Embrouille et pacotille [Nina et Kira] - [TERMINE]

Seule dans son bureau, Léna se permit de soupirer très longuement tout en se massant l'arrête du nez d'une main. Décidément, parfois elle se demandait si les personnes qui l'entouraient souhaitaient sa mort ? Certes, elle avait l'habitude de gérer les ennuis et depuis qu'elle était devenue directrice de l'académie c'était même devenu son pain quotidien. Il ne se passait généralement pas une semaine sans qu'elle doive intervenir dans une situation ou une autre, enfin ça faisait partie de son travail.

Elle venait tout juste de raccrocher le combiné après qu'une mère en furie ne lui détruise le tympan en hurlant dans le combiné pendant plus de trente minutes pour se plaindre de la grossièreté d'une des professeures. Léna était resté comme à son habitude d'un calme olympien et avait réussi à ce que cette hystérique baisse d'un ton et lui explique calmement la situation avant de lui expliquer qu'elle allait convoquer les deux personnes témoin du conflit.

Léna avait déjà entendu parler de cette mère un peu abusive, elle ne remettait pas en question l'amour qu'elle avait pour sa fille qui se trouvait d'ailleurs être son élèves, mais elle était mêle-tout. Combien de mail n'avait elle pas reçu de la part de cette femme qui ne dansait pus depuis pus de 20 ans pour recevoir des conseils sur comment donner cours à sa fille. Léna avait même fini par demander à Molly sa secrétaire de bien vouloir trier ses mails et ne pas lui faire parvenir ceux de cette femme tout comme ses appels, mais comme Molly était en congé payé aujourd'hui, elle n'avait eu guère le choix que de prendre aussi le rôle du standard d'appel pour la journée.

Elle devait prendre les devants et savoir ce qu'il s'était passé absolument, elle connaissait très bien le caractère explosif de Kiralee. Elle avait fait de nombreux efforts, mais il était difficile pour elle de se contenir, le tout était de savoir pourquoi avait-elle laissé sa colère s'échapper. La russe savait que la jeune professeure n'agissait pas sans qu'on l'ait poussé à bout d'une manière ou d'une autre, cependant, cette situation ne lui plaisait pas. Elle s'était risquée à la recruter juste après son diplôme, elle connaissait très bien l'opinion des membres du personnel au sujet de la terreur de l'académie comme elle avait été surnommée très longtemps. Léna lui avait donné de nombreuses chances durant ses études et là encore, elle essayait de l'aider, pourquoi éprouvait elle autant de sympathie pour les caractères aussi compliqués ? Elle n'était pourtant pas sœur Térésa !

Elle avait donc fait savoir aux deux concernées son besoin de les rencontrer au plus vite et elle attendit patiemment qu'elles n'arrivent. Léna n'avait pas l'habitude de recevoir son élève Nina dans son bureau, une élève discrète mais avec un véritable potentiel. Elle avait assisté avec fierté à une belle métamorphose de sa part depuis qu'elle l'avait prise sous son aile, la voir liée à ce genre d'ennuis lui paraissait plus qu'étrange.

- installez-vous, je ne vais pas y aller par quatre chemins, j'ai reçu un appel incendiaire de votre mère mademoiselle Leyers qui me disait avoir été injustement et grossièrement interpellée par madame Elwist. Je veux savoir ce qu'il s'est passé de votre bouche ?

Kira était assez détendue compte tenu de la situation, elle avait l'habitude disons de se retrouver dans le bureau de Léna pour que celle-ci l'engueule pour telle ou telle chose et puis même si elle s'était énervée, elle ne se sentait pas fautive. Elle l'avait fait pour protéger Nina, OK elle aurait dû le faire calmement, mais elle aurait pu se montrer pire encore.

Elle arriva en même temps que sa partenaire de danse qui montrait une nervosité assez grande et elle lui sourit. Kira était pas impressionnée par l'air supérieur et grave que Léna affichait, elle faisait toujours ça pour montrer qu'elle était la boss. Elle se laissa tomber sur la chaise et l'explication de leur convocation arriva tout aussi vite. Cette pleutre de mère avait été chouiner au téléphone, déranger Léna pour se plaindre parce qu'elle avait été envoyée à la merde.

Kira écouta Nina qui essayait de la défendre et lorsque celle-ci eu terminé, le regard de la directrice vers elle lui indiqua qu'elle pouvait parler.

- C'est vrai que j'ai pris le combiné des mains de Nina, c'est vrai que j'ai été un peu crue dans mes mots et que je lui ai crié dessus et c'est vrai que je lui ai raccroché au nez, mais elle l'a bien cherché ! Elle harcelait Nina durant notre répétition avec ses appels intempestifs on dirait qu'elle aime la voir échouer ! Tu n'aurais pas fait la même chose peut-être Léna ?

Kira l'appelait par son prénom, ça aurait été étrange qu'ele la vouvoie et lui sorte des "madame la directrice" alors qu'elles se côtoient dans le privé depuis qu'elle était ados. Le plus embêtant de cette convocation c'est que si on la voyait sortir du bureau avec Nina, on allait encore lui coller des rumeurs stupides sur le dos. Kira pensait à passer par la fenêtre, mais si jamais on la chopait ça allait encore être plus mal interprété.

- Franchement ! Cette femme elle abuse ! Elle pourrait foutre la paix à sa fille un peu et la laisser respirer ! C'est pas normal un comportement pareil ! C'est pas comme si Nina était une élève difficile ! Même Leela n'a jamais été aussi emmerdante avec moi alors qu'elle avait plus de raison de l'être !

Léna était calme, elle ne cédait pas facilement à la panique et encore moins à la pression qui pouvait l’étreindre. Elle écoutait la réponse de Nina qui semblait pour le moins prête à craquer. A la réponse de son élève, elle avait bien comprit que la mère de celle-ci avait grossit les faits, mentit et exagéré de façon à se faire passer pour une victime à dédommager, toutefois plusieurs points dérangeaient Léna dans les faits.

Elle écouta ensuite l’explication de Kiralee et c’était son emportement qui était un des problèmes principaux qu’elle devait régler au plus vite.

- C’est pourquoi je demande à mes élèves de laisser leur téléphone portable ou toute source de distraction dans leur casier lorsque j’enseigne et tu aurais dû prendre ce plis dès le début avec tes élèves.

Léna était certaine qu’elle n’avait pas besoin d’ajouter que Nina avait cruellement manqué de respect envers Kiralee en prenant l’appel, la jeune fille était suffisamment intelligente pour percuter.

- De plus, c’est bien ton énervement qui a créé le problème. D’une, tu t’es permise de te mêler de la vie privée d’une élève ce qui ne rentre pas dans ta fonction si elle ne te le demande pas et ensuite, tu aurais pu répondre calmement au téléphone et régler le soucis en moins d’une minute en expliquant que ton élève n’était pas disponible car elle répétait et de bien vouloir rappeler plus tard.

Donner des leçons, c’était facile, mais Léna le faisait pour le bien de Kiralee car s’emporter de la sorte pour tout et rien n’allait lui apporter que des ennuis qui pouvaient être grave.

- Tu ne l’as pas menacé de violence ou de mort n’est-ce pas ? Rassurez-moi ? En soit, vous êtes adultes, alors dites moi ce que nous pouvons mettre en place pour régler le problème et ne plus en avoir à l'avenir ?

Léna aurait pu soumettre ses idées et régler cet incident très facilement en quelques minutes et quelques coups de fils, elle avait le bras assez long pour cela. Elle n'allait pas le faire, parce que c'était aux deux femmes de régler cela comme des adultes et de prendre leurs responsabilités, si elle mâchait le travail alors elles n'apprendraient jamais. Cette dure leçon de la réalité de la vie valait pour l'une comme pour l'autre.

C’était bien la première fois que la jeune professeure ne trouvait plus à redire à la remarque de Léna concernant les téléphones portables. Oui… sur ce coup-là, elle avait merdé ! Ce n’était pas grave, la prochaine fois, elle agirait en conséquence dès le début du cours. Si elle avait dit à Nina de laisser son téléphone dans son casier ou ailleurs, elle n’aurait pas entendu l’appel de sa tarée de mère !

- Bah ! Oui… j’ai merdé ! Désolé ! Mais je ne pouvais pas laisser Nina se faire traîner dans la boue ! Le harcèlement c’est puni par la loi non ?

Pour Kira toute cette histoire n’était que du harcèlement pur et dur au point que même Nina qui essayait de la défendre donnait des preuves concrètes qui allaient en ce sens ! Une idée germa dans la tête de la danseuse et son regard s’illumina avant de regarder Nina.

- Nina ! Montre à Léna tout les SMS de ta mère et fait lui écouter ses messages vocaux ! Je sais que j’ai mal agi en m’énervant, mais sa mère harcèle sa fille ! Ce qui pourrais la calmer c’est que tu portes plainte Nina ! En plus je suis ton témoin et les preuves se trouvent toutes dans ton téléphone alors ça va la refroidir direct d’entrer en contact avec toi !

Ce n’était pas pour se vanter, mais sur ce coup-là, elle avait tout d’un véritable génie. La jeune professeure reconnaissait ses torts, mais ça ne l’empêchait pas de vouloir aider Nina à se sortir de cette situation plus que destructrice. Quitte à se mêler ou pas de ce qui pouvait la regarder, c’était une amie de Yuki et son élève, alors elle avait le droit de lui sauver la vie si elle voyait que celle-ci était en danger.

La cheffe d’établissement fut autrement plus surprise que d’entendre l’impétueuse Kiralee avouer ses torts. Léna était contente de voir que celle-ci avait changé et acceptait de ne pas toujours avoir le dernier mot et de délivrer des conversations stériles et frustrante.

- C’est bien de se rendre compte de ses erreurs, à l’avenir cette expérience te serviras pour que ça ne se reproduise plus. En effet, le harcèlement est bien un crime qui est punissable par la lois, si il est prouvé.

Léna était rassurée d’entendre que Kiralee avait retenu cette information et le fait qu’elle s’en souvenait et essayait de s’en servir comme d’une arme, prouvait qu’elle avait réfléchit autrement qu’avec ses poings. Le tout était de savoir ce que la principale intéressée, à savoir Nina souhaitait faire de cela. Que ce soit Kira ou elle, elles ne pouvaient pas obliger la jeune danseuse à faire le nécessaire pour attaquer en justice sa mère, la femme avait certes des défauts et était également difficile à vivre, mais c’était sa famille.

- Si tu le désires, je peux contacter mon avocate, elle sera en mesure de t’expliquer ce qui peut être fait. Je pense qu’une simple injonction suffirait, mais là encore c’est à toi de décider, nous ne pouvons rien faire de plus.

Le mot était enfin lâché. “Harcèlement”. La ballerine eut l'impression de se le prendre en plein visage avec la force d'un boulet de canon. En plus de ses yeux qui piquaient et de sa gorge qui la serrait, sans compter son cœur qui menaçait de lui briser les cotes, elle sentait ses mains voire tout son corps se mettre à trembler. Comme si elle essayait de contenir une émotion trop forte qui menaçait d’exploser à tous moments.

Suivant le conseil de Kiralee, elle sortit son téléphone portable pour montrer les preuves à Lena. Elle dut s’y reprendre à deux reprises pour taper son code de déverrouillage tant ses doigts tremblaient. Elle fini par ouvrir les sms de sa mère et posa l’appareil sur le bureau de la directrice. Elle déroulait la conversation qui était un amat de compliments, sincères certes, mais ponctués de phrases passives/agressives, de conseils plus ou moins évidents, d’encouragements, mais surtout de phrases culpabilisantes qui se chargeaient bien de rappeler à la ballerine que sa mère lui avait tour appris et qu’elle lui devait son parcours.  

_ Regardez... Bon, elle m’encourage, me complimente et me conseille, ça je ne lui enlève pas... Mais regardez ce qu’elle me dit aussi... Que je lui dois mon parcours et mon niveau, qu’elle m’a tout appris, que la vie était une compétition... Je ne sais même pas si elle se rends compte qu’elle ne m’aide pas. J’ai beau lui dire que je n’oublie pas ce qu’elle m’a appris...elle n’a pas l’air d’assimiler. Ah! Il y a ça aussi... Dès que je suis en désaccord, elle dit que je suis ingrâte, que j’ai la grosse tête etc... Regardez combien de messages elle m’envoie à la minute quand elle est énervée... Sans compter les coups de fils...Tenez, regardez.

Elle lui montra le nombre d’appels manqués rien qu’hier pendant ledit entrainement.

_ Ah, j’ai quelques messages vocaux aussi...

Elle appela la messagerie et mit l'hautparleur. La voix ricocha contre les murs en percutant les oreilles de Nina. Ces éclats de voix ponctués de phrases plus calmes mais non sans agressivité passive lui retournaient le ventre.

[Message 1 / Message 2]

Kira laissa Léna regarder les SMS échangé entre mère et fille et prendre connaissance de la nature malsaine de ceux-ci ! Elle en connaissait brièvement le dessus et puis la situation de Nina était connue par Yuki et même si son épouse ne lui en avait pas parlé de façon concrète, elle avait su lire entre les lignes et faire le rapprochement d'elle-même comme une grande !

- Alors ! Si on tient pas un beau cas ! Je ne m'appelle plus Kira !! Non seulement c'est du harcèlement, mais vu qu'elle vit ça depuis son enfance on pourrait même ajouter de la maltraitance sur mineure ! Tu veux faire quoi toi Nina ?

Elle écouta aussi les messages en soupirant et en croisant les bras ! ça ne m'étonnait pas que Nina était une telle coincée avec une mère dans l'abus comme celle là ! Elle leva un sourcil en entendant parler de Léna qui pondrait son premier gosse et regarda l'intéressée espérant de voir une réaction quelconque à cet attaque personnelle.

- Tu m'étonnes que tu abuses sur le goulot ! ... oups !

Kira avait dit ça sans réfléchir espérant que sa bétise passe inaperçue auprès de la russe qui avait tendance à tout dramatiser.

Léna écouta calmement les échanges entre Nina, Kiralee, même si la situation était grave, il ne servait à rien de s’énerver . Elle était choquée par la nature malsaine des messages et appels que la mère de Nina envoyait à sa fille. La directrice était déterminée à soutenir la jeune ballerine dans cette situation délicate.

- Nina, je suis vraiment désolée que tu aies dû vivre ça depuis si longtemps. Ce que tu subis n'est pas normal, et personne ne devrait être soumis à un tel harcèlement. Kiralee a raison, c'est un cas sérieux. Je vais immédiatement contacter mon avocate et voir ce que nous pouvons faire pour te protéger légalement, ainsi que pour t'aider à mettre fin à cette situation.

Léna prit son téléphone et commença à composer le numéro de son avocate tout en continuant de parler avec sérieux afin de rassurer son élève.

- Je veux que tu saches que nous sommes là pour toi, Nina. Personne ne te forcera à prendre des mesures que tu ne souhaites pas, mais nous allons te soutenir tout au long de ce processus, que ce soit une injonction, une ordonnance restrictive ou toute autre mesure pour te protéger. Nous voulons que tu te sentes en sécurité et que tu puisses continuer à poursuivre tes études sans être entravée par cette situation.

Elle fit une courte pause pour laisser les paroles s'installer, puis adressa un regard chaleureux à Nina. Elle n'était pas là pour la juger ou pour l'engueuler, mais bien pour la soutenir et elle s'y efforçait autant qu'elle le pouvait.

- Si tu es d'accord, je vais appeler mon avocate maintenant et organiser une rencontre. Elle t'expliquera les options légales qui s'offrent à toi, et tu pourras décider ce qui te convient le mieux. Qu'en dis-tu ?

Léna voulait s'assurer que Nina savait qu'elle avait le contrôle de la situation et qu'elle était entourée de personnes prêtes à la soutenir, quelle que soit sa décision. Elle espérait sincèrement que cette première étape marquerait le début d'un processus pour mettre fin à cet harcèlement toxique et aider la jeune femme à retrouver sa tranquillité d'esprit nécessaire pour poursuivre sa passion.

Néanmoins, la dernière révélation de la très jeune professeure lui fit abaisser ses sourcils dans une expression inquiète et elle regarda son élève avec un air grave. Léna avait compris que la situation était bien plus grave qu'elle ne l'avait imaginé.

- Tu devras également pendre un rendez-vous avec la psychologue que l'académie, cela te soulagerais de pouvoir t'exprimer librement et peut-être y trouverais-tu une solution plus adaptée que de consommer de l'alcool ! Je dois avouer qu'une partie de moi est déçue que tu ne sois pas venue m'en parler avant que ça ne dégénère à ce point. Si Kiralee ne l'avait pas découvert, tu serais restée ainsi , n'est ce pas ?

Il y avait des fois, de très rares fois ou les paroles et les agissements de Léna faisait que Kira la trouvait vraiment classe ! I y avait pas à dire, cette nana jouait dans une toute autre catégorie ! Aller jusqu'à proposer les services d'un avocat, même la jeune prof n'y avait pas pensé ! Au passage, c'était à la p'tite Nina de payer ? Parce qu'un avocat c'est pas que ça vaut ruby sur l'ongle, mais ça se paie pas avec des perles en verres !

- Bonne idée L'avocat Léna! Mais euh... qui va le payer ? Parce que c'est pas avec sa bourse d'étudiante que Nina va savoir mandaté un avocat comme ça!

La question méritait d'être posée et elle regarda Nina, oups! et même fuck ! Elle aurait mieux fait de se mordre la langue! Tant pis ! Le penchant pour l'alcool de la danseuse étoile était révélé à la cheffe d’établissement.

Nina se mettait à pleurer, ça devait être trop pour elle ! Kira vint tapoter sur son dos maladroitement, elle avait toujours été nulle pour réconforter les autres qui n'étaient pas Yuki ! Étrangement, pour sa femme, elle avait toujours su quoi faire. Elle regarda Léna en grimaçant comme pour lui demander de l'aide. Et elle finit par fuir en lançant des excuses par-dessus son épaule avant de refermer la porte et de soupirer une fois que celle-ci fut contre.


- Bon bah! Comme c'est arrangé! Moi... je dois y aller! J'ai euh... j'ai ma femme qui ma demandé de pas rentrer rop tard! Allez! Ciao !!

Léna regarda Nina silencieusement, c’était une des plus brillante élève à qui elle donnait cours, si ce n’est LA plus brillante. Peut-être avait elle mise trop de poids sur ses épaules, aurait-elle dû réduire ses entraînements pour qu’elle puisse souffler un peu ? A son âge, elle s’entraînait plusieurs heures par jours et parfois jusqu’à l’épuisement, mais les académies du Bolchoï en Russie n’avait rien à voir avec l’éducation qu’on donnait au Japon ou même en Europe, les normes n’étaient pas les mêmes et les droits des enfants non plus. C’était un autre temps, une autre rigueur qu’elle ne pouvait décidément pas implanter à l’académie sous peine de voir les associations de parents d’élèves débarquer pour la mettre au bûcher comme une sorcière.

La directrice n’avait jamais été qualifiée de gentille, elle entendait surtout des rumeurs qui traitait de sa froideur. Elle préférait qu’on la traite indifféremment comme elle le faisait même si ses agissements avait l’air frigide, elle s’efforçait toujours de tout faire pour le bien de ses élèves.

- Je m'occuperais des frais !

Elle leva les yeux au ciel en entendant Kira s’excuser et filer pour fuir Nina qui pleurait et elle fini par se lever de sa chaise de bureau pour venir s’asseoir à côté de son élève doucement, ne voulant pas la brusquer.

Elle s'assit près de Nina et posa délicatement une main sur son épaule, lui offrant un réconfort silencieux. Elle attendit un instant, laissant à l’étudiante le temps de se calmer. Puis, d'une voix douce, elle commença à parler.

- Tu n'as pas à porter tout ce poids seule. Si tu as besoin de parler, je suis prête à t'écouter, sans jugement. Tout ce que tu traverses, avec ta mère, ta carrière, c'est beaucoup à gérer. Je comprends que tu puisses te sentir submergée, mais l'alcool ne résoudra pas tes problèmes, ça ne fera que les temporiser momentanément. Nous devons trouver une solution plus saine pour toi, une manière de faire face à tout cela sans te perdre dans la spirale de l'alcool. Tu es une danseuse incroyable, et rien ne doit t'empêcher de poursuivre tes rêves !

Léna regarda Nina avec compassion, comprenant à quel point cette situation était éprouvante pour elle. Elle avait écouté attentivement les mots de Nina, observant ses émotions déferler comme une tempête intérieure. La détresse de la jeune danseuse était palpable, et Léna était déterminée à lui apporter tout le soutien dont elle avait besoin.

Elle sourit doucement à Nina lorsque celle-ci exprima sa gratitude et son admiration pour les cours qu'elle avait dispensés. Les paroles de Nina touchèrent Léna au plus profond de son cœur.

- Nina, c'est toi qui as fait tout le travail acharné pour exploiter ce potentiel exceptionnel. Je suis honorée d'avoir pu t'aider à découvrir ta véritable puissance en tant que danseuse, et je suis fière de tout ce que tu as accompli. C'est une raison pour laquelle je ne veux pas te voir tout gâcher à cause de mauvais choix !

Quand Nina mentionna qu'elle préférait attendre un peu avant de décider des frais d'avocat, Léna hocha doucement la tête, respectant sa décision.

- Prends tout le temps dont tu as besoin. Je comprends que c'est une étape importante et personnelle. Dès que tu te sentiras prête à aller de l'avant, je te fournirai les coordonnées de mon avocate. Tu pourras la contacter quand tu le souhaites.

Puis, en voyant que Nina semblait sur le point d'exploser de frustration face à sa mère, Léna prit doucement ses mains dans les siennes, cherchant à la rassurer.

- Je comprends que tu ressentes le besoin de confronter ta mère, mais rappelle-toi que nous sommes ici pour te soutenir à chaque étape. Si tu choisis de parler avec elle, nous serons là pour t'appuyer. Tu es forte, Nina, et tu traverseras tout cela, j'en suis certaine !

Elle lui adressa un sourire réconfortant, voulant lui montrer qu'elle n'était pas seule dans cette épreuve difficile.

- Maintenant, concentrons-nous sur toi. Si tu as besoin de parler, de te confier, ou simplement de prendre du temps pour toi, n'hésite pas à venir me voir ou à contacter Kiralee. Nous sommes ici pour toi, quoi qu'il arrive. Ne traverse pas ces épreuves toute seule !

La ballerine se sentait vraiment écoutée. Derrière son aspect froid, dur, et exigeant, Léna était capable d'être la personne la plus chaleureuse. Et elle sentait que ce n'était pas dans une dynamique de manipulation, c'était vraiment sincère. Elle était prête à l'écouter, la soutenir et lui donner tout le temps qu'il lui fallait pour passer cette épreuve.
Il était impossible de savoir combien de temps il lui faudrait. A l'instant T, Nina voulait vider son sac auprès de sa mère. Ce serait violent, cette dernière ne l'accepterait pas et utiliserait toutes les techniques de manipulation pour la faire culpabiliser, jusqu'à aller jusqu'à de la pure méchanceté. Il ne serait plus question de la manipuler, ni de la faire douter, mais de la mettre plus bas que terre. La ballerine s'y attendait, mais elle était prête à lui faire face. Elle savait qu'en bloquant son numéro, elle serait tranquille. Son emploi de caissière et les divers prêts contractés la maintenaient dans une vie qu'elle ne pourrait pas plaquer pour venir au Japon.

Elle s'essuya les yeux et inspira pour retrouver un semblant de calme. Du moins un calme qui ne ferait pas trembler sa voix.

_ M...Merci, merci mille fois. Vous êtes vraiment d'une bonté... J'ai de la chance de vous avoir comme prof et comme directrice. Avec vous, les futur du ballet, et des arts en général, sera éclatant. Je suis que vous êtes là, et j'ai également des amies proches. Je sais que je ne suis pas seule... Je viendrai vers vous avec un grand bonheur si jamais j'en ressens le besoin.

Elle souffla un instant avant de reprendre:

_...Je vais vous laisser. J'ai un coup de fil à passer. Encore merci...mille fois merci à vous... Vous êtes la définition de la bienveillance.

Elle la salua avec tout le respect qu'elle lui témoignait et quitta son bureau. Elle marcha d'un pas rapide en dégainant son téléphone portable et appela sa mère.
Son corps tremblait... Chaque sonnerie était comme un compte à rebours avant une sentence... L'épreuve allait être pénible, mais elle devait le faire. Elle avait changé, et elle allait le lui prouver...

_ Oui, ma Nina? Comment tu vas ma puce?
_ S’il te plait, cesse de me parler comme si j’étais une enfant
_ Oh, mais qu’est ce qui t’arrive? Pourquoi tu es énervée comme ça?
_ Je sors du bureau de la directrice parce que tu es allée te plaindre de t’être fait mal parler par une professeure. Et j’apprends en plus que t’as le coup de fil un peu trop facile envers le secrétariat de la direction.  

_ C’est normal, tu ne me dis jamais rien depuis que tu es arrivée à l’Université. Il faut bien que je sache comment ça se passe.  
_ Mais pour qui tu te prends ?  
_ Et toi, pour qui tu te prends pour parler comme ça à ta mère?
_ Je me prends pour ce que je suis! Une personne dotée d’un libre arbitre qui en a plein le cul d’être ta marionnette.

La ballerine était désormais dans le cour centrale. Ses gestes devenaient plus rapides et nerveux. Son bras s'agitait pour appuyer ses propos. Ses yeux dépourvus de maquillage commençaient à lui piquer et sa voix tremblait à nouveau.

_ Pardon?!  
_ Tu ne t’intéresse à rien d’autre qu’à mes performances. Mes notes, mes amies, mon quotidien, pas UNE FOIS tu t’es demandé si les cours étaient intéressants ou ce que j’étudiais. Tout ce qui compte pour toi son mes entrainements !  
_ C’est normal, tu crois que je t’ai envoyée là-bas pour que tu te la coules douce et laisse ta carrière te passer sous le nez?
_ “ma carrière”, tu n’as que ce vocabulaire à la bouche! Danse, pointes, entrainement, auditions, carrière, régime, critique; c’est tout ce que tu sais dire!
_ La critique fait avancer, ma chère fille. A moins que ton ego devenu surdimensionné de la supporte plus.
_ Faux! Tu es juste OBSEDEE avec ma future carrière. Tu vis danse, tu manges danse, tu chies danse. Tu n’as rien d’autre dans ta vie à part ça, et ton boulot de caissière chez Target.
_ Cesse de me prendre de haut, Nina. Je te rappelle que si tu en est là, c’est grâce à moi!
_ Alors ok tu m’as fait découvrir la danse, ok tu m’as tout appris, je ne te l’enlève pas. Mais si j’en suis là c’est grâce à mes compétences ! Si j’ai pu suivre les cours de Mme Petrova et passer du lycée à l’Université en cinq mois, c’est grâce à moi et la discipline que je me suis fixée pour parvenir à mon but. Tu m’as enseigné les règles, maintenant c’est à moi de jouer. A part à Mme Pétrova, je n’ai de compte à rendre à PERSONNE, et surtout plus à toi!
_ Ecoutez la, mademoiselle “je-suis-dans-une-grande-école-bien-élitiste”. Je me suis saigné aux quatre veines pour t’offrir un avenir. Je me suis endettée jusque là pour te payer cette école. Il y a des matins où je saute le petit déjeuner, je ne suis pas toujours sûre de pouvoir manger le soir, je travaille au moins quarante-cinq heures par semaines chez Target pour joindre les deux bouts! Je me lève un cul comme ça pour t’offrir un avenir, et c’est comme ça que tu me remercie?
_ Si c’était pour me le reprocher plus tard, tu n’avais qu’à pas le faire ! Je te signale que j’avais largement de quoi toucher une bourse pour mes études, c’est TOI qui as insisté pour me payer cette école. Et j’ai compris pourquoi. Pour pouvoir mieux me le balancer pour me faire culpabiliser et me manipuler. Tout ça pour pouvoir vivre par procuration tes rêves de danseuse!
_ Je ne sais pas qui t’as mis ça dans la tête... Mais saches que si j’ai fais tout ça, c’est pour toi.  

Sa voix tonna.

_ Faux, tu as fait ça pour TOI, et pour t’assurer d’avoir l’ascendant sur moi-même à l’autre bout du globe.  
_ De suite les grands mots... Tu as tellement pris la grosse tête que tu ne supportes plus le moindre conseil. Comme si tu pouvais rivaliser avec les danseuses que j’ai côtoyées et trouver un contrat seule...  
_ Oui oui je sais, j’ai pris la grosse tête, je suis ingrate etc... Je connais le refrain. Et toi, tu sais quel est ton problème ? C’est que tu n’as JAMAIS digéré ne pas avoir eu de véritable carrière de danseuse pro.  
_ Nina! Je t’interdis!  

Elle se mit à hurler en dégageant ses cheveux qui venaient se coller à son visage. Lui donnant une allure de plus en plus désordonnée.

_ Tu te tais maintenant! C’est moi qui parles! Tu as tellement la rage de n’avoir jamais pu avoir la carrière dont tu rêvais que tu as jeté tous tes espoirs sur moi. Je ne suis qu’un prolongement de tes rêves, qu’une poupée juste bonne à être la base de ta vie de danseuse par procuration. Un totem de fierté que tu exhibes comme un trophée pour te prouver une quelconque réussite! C’est qui mon père au final? Un type random que t’as rencontré et tu t’es faite sautée dans le désir égoïste d’avoir ton petit pantin pour réaliser tes rêves?! Tu sais quoi? Je ne veux même pas le savoir! Je ne veux plus être ton jouet ! Je ne veux plus danser pour toi ! Je ne veux plus te rendre des comptes! Je ne veux plus de ton approbation ! Je ne veux plus te dire ce que tu as envie d’entendre pour être tranquille ! Je ne veux plus ressentir ce stress à chaque coup de fil de ta part ! Je ne veux plus que tu me traites d’ingrate ou que tu dises que j’ai pris la grosse tête tout simplement parce que maintenant j’ose enfin m’affirmer et revendiquer qui je suis. Je suis Nina Leyers, la ballerine qui a su passer du lycée à l’Université en seulement cinq mois de travail acharné, avec les félicitations et les bonnes faveurs de Mme Pétrova qui a su déceler mon potentiel et m’aider à le sublimer. Ton petit cygne est devenu la Reine des Cygnes! Moi au moins je n'ai pas été acceptée parce que j’étais que deuxième au classement et que la première s’est cassé la jambe la veille de son entrée et qu’il a fallu trouver quelqu’un en urgence. Je ne dois mon ascension qu’à moi-même et mon travail, et non pas sur le malheur de quelqu’un!
_ Pour qui tu te prends à me parler comme ça, petite idiote?! Retire ce que tu viens de dire, retire-le immédiatement !  
_ Sinon quoi? Tu vas me couper les vivres ? Tu vas cesser de m’envoyer de l’argent? Tu vas me salir le portrait auprès de qui veux bien l’entendre ? Dire combien je ne suis qu’une sale petite ingrate qui prend de haut sa mère caissière qui essaie de joindre les deux bouts et qui a tout sacrifié pour elle? Et bien vas-y, fait toi plaisir ! Ça m’est égal ! Ta rancœur ne fera pas le poids face aux appréciations du corps enseignant ! Et saches que je pense chaque mot que j’ai dis! Tu sais ce que tu es? Tu es jalouse, manipulatrice, perverse, egocentrique, contrôlante... En un mot, tu es TOXIQUE! La PIRE mère qui soit! Je te déteste! Je te déteste!! JE TE HAIS!!!

Elle raccrocha vivement et parvint à la bloquer malgré ses gestes à la limite de névrose. Sa respiration était autant sonore que rapide, comme si elle hyperventilait. En levant les yeux après avoir à nouveau ôté les cheveux qui lui barraient la vue, elle avait l'impression de revenir à cette période où elle avait perdu son sang froid devant sa harceleuse et que tout le monde la regardait comme si elle était bonne pour l'hôpital psychiatrique. Elle voyait des personnes dans le cour comme aux fenêtres entrain de la fixer comme si elle était une schizophrène en plein délire psychotique.

_ QUOI?! Lança-t-elle à l'adresse de toutes celles qui la regardaient. Elèves comme surveillantes en passant par de possibles parents.

Elle quitta les lieux en courant pour aller vomir dans une poubelle qui était disposée à l'extérieur. Cette matinée était un véritable cauchemar éveillé pour elle...
Ses jambes tremblantes parvinrent à la mener jusqu'à se chambre où elle s'enferma dans le noir et s'écroula sur son lit. Elle n'était pas en état de voir qui que ce soit, et elle ne voulait pas que ses amies, et encore moins Natsu de la voient dans cet état.