Moment emprunt de légèreté [Libre]

Au lever du soleil, Léna se glissait discrètement dans la grande salle de danse de son académie. L'atmosphère y était empreinte d'une élégance intemporelle, illuminée par les rayons matinaux qui s'infiltraient à travers les hautes fenêtres. La salle était son sanctuaire, l'endroit où elle pouvait se perdre dans sa passion, la danse classique.

En tant que danseuse étoile de niveau mondial, Léna avait parcouru les plus prestigieuses scènes du globe, délivrant des performances inoubliables qui laissaient le public émerveillé. Pourtant, malgré la reconnaissance et les louanges, elle avait choisi de revenir à ses racines et de partager son art avec les générations futures.

Fondatrice et directrice de son académie d'art, Léna mettait tout son cœur dans l'éducation des jeunes talents qui fréquentaient ses cours. Elle croyait fermement que la danse classique n'était pas seulement une succession de pas gracieux, mais une véritable forme d'expression de l'âme. Dans ses enseignements, elle transmettait cette conviction, guidant ses élèves pour qu'ils trouvent leur propre essence dans chaque mouvement.

Chaque matin, avant que le brouhaha de la journée ne s'installe, Léna prenait ce moment précieux pour elle-même. Elle retirait ses ballerines, les inspectait d'un regard bienveillant, puis les chaussait avec une délicatesse empreinte de respect. Une musique douce commençait à s'élever dans la salle, et telle une plume portée par le vent, Léna s'élançait gracieusement dans l'espace.

Ses mouvements étaient une fusion de grâce et de puissance, une démonstration de la force intérieure qui se dégageait de son être. Ses pas semblaient raconter une histoire, chaque arabesque, chaque plié étant une page d'un récit qui se dévoilait à travers ses expressions.

Léna n'était plus seulement une danseuse, elle devenait la danse elle-même, se laissant porter par la musique et emportant avec elle chaque âme présente dans cette salle empreinte de magie.

Le temps semblait suspendu, et lorsqu'elle achevait sa danse matinale, elle revenait doucement sur terre. Son regard s'attardait sur les miroirs, où la danse avait laissé son empreinte sous la forme de belles arabesques et de pas délicats. Ces miroirs, témoins silencieux de son évolution en tant qu'artiste, reflétaient également l'amour qu'elle avait pour cette discipline qui l'avait guidée tout au long de sa vie.

Puis, avec une détermination renouvelée et un cœur rempli de gratitude, Léna se préparait à affronter la journée qui l'attendait. En tant que directrice de son académie, elle s'engageait à façonner le futur de la danse classique en offrant à ses étudiants des cours empreints de rigueur, de passion et de créativité.

La danse avait toujours été sa compagne fidèle, et c'était avec une immense joie qu'elle partageait cette passion avec d'autres. Grâce à son dévouement et à son savoir, elle espérait inspirer ses élèves à explorer leurs propres horizons, à repousser les limites de leur art, tout en préservant la beauté intemporelle de la danse classique.

Ainsi, chaque matin, Léna dansait avec son âme, insufflant à son académie une énergie unique, un feu sacré qui éclairait le chemin de ceux qui rêvaient de suivre ses pas, d'arpenter les scènes du monde entier et de laisser à leur tour une empreinte indélébile dans l'histoire de la danse.

Jenna avait tendance à se lever bien tôt pour ses séances d’entrainement. Son lieu de travail lui permettait un accès facile aux différentes machines et salles dont la jeune rosée avait besoin pour ses séances quotidiennes. C’était plutôt sympathique de profiter du calme du début de journée avant que les élèves n’arrivent. Cela permettait à Jenna de faire tranquillement ses affaires et de se préparer proprement à sa journée de cours. Sa discipline militaire faisait que la jeune professeure n’avait jamais eu aucun mal à maintenir cette routine matinale et n’avait jamais échoué à l’appliquer, ne serait-ce qu’un jour depuis qu’elle avait été engagée.

Après sa séance, Jenna aimait parcourir le campus et allait même parfois à arpenter les couloirs de celui d’à côté. A priori, rien ne le lui interdisait, surtout à des heures aussi matinales. Cela lui permettait parfois de faire face à quelques surprises et de pouvoir passer le temps avec des personnes ayant cette même habitude matinale. Cette fois-ci, alors qu’elle parcourait les différentes salles vides de l’académie des arts, des bruits ainsi qu’une lumière allumée attirèrent son attention. Son essuie de bain autour du coup alors qu’elle venait à peine de sortir de douche, Jenna s’avança par curiosité.

Elle fut assez fascinée par le fait de tomber aussi hasardeusement sur la directrice alors que son emploi était réputé aussi serré que la brassière qui comprimait son buste pour retenir l’imposante poitrine de l’ancienne soldate. Fascinée par ses pas de danses gracieux, Jenna se surprit à rester sur le pas de la porte à l’observer de manière admirative. Même si ce n’était pas forcément sa tasse de thé, Jenna respectait toujours les gens qui avaient un talent dans un domaine particulier. Elle-même avait pratiqué du piano durant son enfance et avait continué à en jouer occasionnellement jusqu’à son accident. Aujourd’hui encore, avec une certaine adaptabilité, elle s’était surprise à pouvoir encore y jouer et ce même s’il ne lui restait plus qu’un bras. Cela prouvait que, malgré des obstacles, il était sans doute toujours possible de poursuivre sa passion même diminué.

Dans ses pensées, Jenna n’avait pas vraiment vu que Léna avait fini et la rosée était toujours fichée sur le bas de la porte, n’osant pas entrer par peur de déranger. Ce n’était sans doute pas la personne que Léna se serait attendue à rencontrer ici mais cela faisait déjà leur deuxième rencontre même si la première avait été brève.

« Désolée, je ne voulais pas vous importuner. C’est que je passais par là et j’ai été intriguée…N’étant pas experte du domaine, je ne saurais certainement pas apprécier votre talent à sa juste valeur mais je dirais que c’était plutôt gracieux. J’ai beaucoup aimé votre représentation, madame. »

De manière naturelle et comme lors de leur première rencontre, Jenna s’exprimait dans sa langue natale. Elle n’avait jamais vraiment eu le temps de converser avec la directrice et elle espérait que ce petit intermède avant les cours lui permettrait d’en savoir un peu plus sur celle qui avait fondé l’établissement.

Léna, surprise mais ravie de la visite matinale de Jenna, esquissa un sourire chaleureux en entendant ses compliments. Elle appréciait le fait que Jenna ait pris le temps de la regarder danser et de lui exprimer son ressenti, même si elle n'était pas une experte en danse classique. Jenna était une femme de science et une ancienne militaire.

- Merci infiniment pour vos mots aimables, Jenna

répondit Léna dans un russe fluide, montrant ainsi qu'elle comprenait et pratiquait encore régulièrement sa langue natale. En tant que directrice, elle avait dû apprendre plusieurs langues, chose qu'elle fit avec une facilité qui en déconcertait plus d'un.

- Votre présence n'est en aucun cas une importunité. Au contraire, je suis enchantée que vous ayez pris le temps de vous arrêter et d'apprécier la danse !

Elle fit quelques pas vers Jenna, se rapprochant avec grâce et légèreté, telle la danseuse accomplie qu'elle était. Malgré sa position de directrice, Léna était une personne humble et ouverte aux échanges avec ceux qui partageaient une passion pour l'art.

- Je suis également heureuse de vous revoir. Notre première rencontre fut brève, mais je me souviens de votre détermination, c'est une qualité, et je suis certaine que vous apportez beaucoup de force et de persévérance à vos étudiantes

Léna observa l'essuie autour du cou de Jenna, réalisant qu'elle venait probablement d'une séance d'entraînement. Elle posa une question avec un sourire curieux.

- Si ce n'est pas indiscret, pratiquez-vous également un art ici dans l'académie, en plus de vos fonctions ?

Attendant la réponse de Jenna, Léna espérait que ce moment d'échange serait l'occasion d'en apprendre davantage sur cette femme au parcours singulier et à la détermination évidente.

Contrairement à leur première rencontre, Léna semblait beaucoup plus chaleureuse. Jenna finit par mettre cette impression de froideur qu’elle avait ressenti sur le fait que la directrice était plutôt sur les nerfs. Encouragée, la jeune professeure s’avança alors et s’installa sur un siège, un peu plus détendue désormais. La directrice lui avait répondu en russe et c’est tout naturellement que Jenna continua dans cette langue. Elle n’avait pas eu beaucoup d’occasion de pratiquer sa langue natale depuis son départ de Russie et elle était heureuse d’avoir quelqu’un avec qui le faire. Durant son service, Jenna avait participé à plusieurs théâtres d’opérations de par le monde et, désireuse d’apprendre la culture locale, elle avait appris plusieurs langues et continuait encore à s’exercer afin de ne pas oublier maintenant qu’elle possédait du temps libre.

« C’est vraiment gentil de votre part, je vous remercie du compliment. J’essaie de faire un maximum pour rendre mes cours intéressants même s’ils sont parfois interrompus par quelques intermèdes sur mon propre récit. » Dit-elle en plaisantant. « C’est que les élèves sont très curieuses, ce qui est un plus. »

Outre sa tenue sportive, l’on pouvait également apercevoir que Jenna portait deux chaines autour du cou dont chacune était attachée à une plaque en métal. Il s’agissait d’un numéro d’identification. Une sorte de carte d’identité militaire qui permettait de reconnaitre un soldat alors même qu’il était décédé. C’était donc des colliers qui ne quittaient jamais la rosée, ayant une signification très forte quant à sa vie passée. Revenant à son interlocutrice, Jenna manifesta un grand sourire, ravie de passer un petit moment chaleureux avec une comparse russe.

« C’est une habitude très ancrée disons. Un reliquat de mon ancienne vie. C’est très difficile de se défaire de la discipline militaire que j’ai reçue. Parfois, on avait que dix minutes pour nous préparer ! Du coup…j’ai gardé un peu l’habitude de me lever tôt et je mets ce temps à profit pour m’entretenir. Le sport m’aide à me sentir bien, à faire le pont entre ma carrière passée et ma vie actuelle. Je pratique le sambo même si c’est plus compliqué avec un bras maintenant mais on finit par s’y habituer. En somme, cela me rend juste heureuse tout en maintenant une bonne condition physique. Et pour répondre à votre question, oui, je sors à peine de la douche et je voulais un peu visiter le campus d’à côté avant le début de la journée. Je ne m’attendais pas à vous trouvez ici pour être honnête. »

Jenna parlait avec une certaine passion et cela se voyait que la jeune femme n’avait pas de traumatisme liée à son passé militaire. Elle en était même plutôt fière et avait retenu la leçon de Léna concernant le fait qu’il ne fallait pas minimiser son sacrifice et le fait qu’elle avait été reçue avec les honneurs à travers tout le pays. Elle avait même reçu la plus haute distinction par le président lui-même et était passée à la télé !

« Et vous donc ? Cela vous prend souvent de vous adonner à la danse avant le début de la matinée ? Cela doit être difficile de pratiquer un hobby – si je peux appeler ça ainsi – quand on a autant de responsabilités non ? »

Jenna s'installa sur un siège, et le sourire de Léna s'élargit en écoutant la jeune professeure parler de son approche pédagogique et de sa passion pour le sport, malgré les défis qu'elle devait affronter avec un bras en moins. Léna était touchée par la détermination de Jenna à trouver du bonheur dans son nouveau chemin de vie.

- Votre dévouement envers vos élèves est admirable, Jenna. Les histoires vécues forgent notre identité, et je suis convaincue que vos étudiantes trouvent en vous un modèle


Elle remarqua les deux chaînes autour du cou de Jenna, et même si elle ne posa pas de questions à ce sujet, Léna pouvait sentir que ces plaques en métal étaient empreintes d'une signification profonde pour la jeune femme. Respectant l'intimité de son interlocutrice, Léna décida de ne pas aborder ce sujet délicat, se concentrant plutôt sur le lien qu'elles partageaient en tant que compatriotes russes.

- Le sambo est un art martial exigeant, et votre persévérance à le pratiquer, même avec un bras, montre une détermination admirable. La discipline à la Russe, je connais aussi. Certes ce n'était pas militaire, mais je peux vous assurer que notre professeure de danse au Bolchoï nous menait à la baguette comme un colonel !


La question de Jenna sur la fréquence de ses séances matinales amena un léger sourire amusé sur le visage de Léna.

- En effet, la danse est mon refuge, mon moyen de rester connectée à l'essence même de mon art. J'essaie autant que possible de danser chaque matin, car c'est un moment où je peux me ressourcer avant de me plonger dans les responsabilités de la journée. Diriger cette académie est une tâche exigeante, mais la danse me rappelle pourquoi j'ai choisi cette voie.

Elle prit une courte pause, réfléchissant à la suite de la conversation.

- Je dois admettre que le temps est souvent un bien précieux pour moi, mais je crois qu'il est essentiel de préserver du temps pour les choses qui nous rendent vivants et nous ancrent dans notre essence profonde. La danse est bien plus qu'un simple hobby pour moi, c'est une partie intégrante de qui je suis. Et je pense qu'il en va de même pour vous avec le sambo. C'est en cultivant nos passions que nous restons fidèles à nous-mêmes, même lorsque nos responsabilités peuvent sembler écrasantes.

Léna espérait que cet échange ouvert avec Jenna, au-delà de la langue partagée, les rapprocherait davantage. Elle était sincèrement curieuse d'en savoir plus sur la vie et les expériences de la jeune professeure, car chaque personne était un livre rempli d'histoires fascinantes à découvrir.

Jenna riait de bon cœur en écoutant les similitudes sur leurs vies respectives. Elle reconnaissait bien là l’éducation très dure que mère Patrie exigeait de ses citoyens. Elle trouvait très marrante cette allusion au colonel quand on sait que Jenna a expressément fini sa carrière sur ce grade. C’était d’ailleurs plutôt rare et éminemment prestigieux pour quelqu’un d’aussi jeune qu’elle, surtout que ce grade lui fut conféré en même temps que la médaille dont elle avait été décorée. Cela voulait dire que Jenna n’avait jamais eu l’occasion d’officier sous ses nouvelles insignes mais elle était reconnaissante de ce petit cadeau d’adieu de son pays natal. Cela voulait dire que sa retraite militaire était plus que confortable, sans parler de la prime du à son courage et son dévouement exceptionnel.

« Je veux bien vous croire madame Pétrova. J’appliquais la même discipline aux soldats que je dirigeais. Pour être honnête, j’aurais même pu devenir instructrice après mon accident mais j’ai préféré refuser pour prendre un nouveau départ. A mon arrivée au Japon, j’avais toujours cette petite envie de transmettre mon savoir et c’est pour cela que j’ai postulé dans cette école. C’est une manière de faire le lien avec ce que je voulais accomplir mais…dans un cadre plus chaleureux. »

Elle marqua un moment de pause avant de se laisser rire et d’ajouter :

« Promis je ne ferais pas faire de parcours du combattant aux élèves ni d’exercices de tir sur cible mouvante ! »

Jenna était assez décomplexée sur la manière de parler de sa carrière. Malgré les horreurs auxquelles elle avait assisté, la jeune rosée ne semblait pas traumatisée par ce passé sanglant. Au contraire, elle en gardait de très bons souvenirs. La jeune femme ne regrettait rien et sans doute que si elle avait eu l’opportunité de recommencer, elle ferait sans doute tout pareil.

« Je suis d’accord avec vous. Si on arrête de se consacrer à nos passions, j’ai l’impression de perdre une partie de ma vie. Je veux dire, beaucoup s’efforcent à oublier l’armée pour son côté violent et traumatique mais pas moi. C’est comme si je vous demandais d’oublier les dix dernières années de votre vie. Les réussites, les échecs. Tout ça fait partie intégrante de ce qui fait que je me retrouve ici aujourd’hui devant vous. »

Instinctivement, elle resserra sa main sur son collier. Cela lui était encore assez compliqué de conceptualiser les petits problèmes que les gens avaient au quotidien. Jenna était quelqu’un d’extrêmement tolérante tant elle avait été témoins de scènes horribles. C’est pour cela qu’elle comprenait pas pourquoi les gens se plaignaient de petites choses. Cela avait l’air si insignifiant à ses yeux mais elle leur pardonnait. Ils ne pouvaient pas savoir après tout.

« Il y a toujours du temps pour nos passions. Si même le président à su se libérer pour me remettre cette médaille en personne, alors qui sommes-nous pour dire que n’avons pas le temps de pratiquer ce qui nous tient à cœur ! »

Le Japon était très différent culturellement de son pays natal. Jenna s’y plaisait beaucoup mais elle avait quitté la mère patrie en bons termes et y retournait parfois pendant les vacances. L’occasion de revoir d’anciens camarades ou d’être accueillie avec tout l’honneur qu’elle méritait. Cela la faisait parfois fondre en larmes d’émotion mais c’était toujours un retour poignant dans le pays qui l’avait vue naitre.

« Si ce n’est pas trop indiscret, j’aimerais savoir si vous êtes déjà retournée en Russie depuis la fondation de l’académie ? Vous avez encore de la famille qui y vit ? » Demanda-t-elle innocemment.

Léna écouta attentivement Jenna raconter son parcours et sa décision de choisir un nouveau départ au Japon pour partager son savoir dans un cadre plus chaleureux. Elle souriait, appréciant l'humour de Jenna lorsqu'elle plaisanta sur le fait de ne pas faire subir un parcours du combattant à ses élèves.

- Je suis certaine que vos élèves sont très chanceuses de vous avoir comme professeure. Votre expérience militaire vous a sans aucun doute forgée en une personne de grande valeur, et cela se ressent dans votre détermination et votre engagement envers votre enseignement.

Elle était touchée par la manière dont Jenna percevait son passé militaire et comment elle l'assumait pleinement sans chercher à l'occulter. Chacun avait ses propres croix à porter, et la russe admirait le courage et la résilience de Jenna pour faire face à son passé sans y laisser des blessures insurmontables.

- Vous avez une perspective remarquable sur votre passé, Jenna. Vous ne cherchez pas à l'effacer, mais à en faire un pont vers votre présent et votre futur. C'est une attitude admirable et inspirante!

La question de Jenna sur ses retours en Russie fit naître une lueur de mélancolie dans les yeux de Léna. Elle prit une courte pause avant de répondre.

- Je dois avouer que depuis la fondation de l'académie, je n'ai pas eu l'occasion de retourner en Russie. Ma vie ici est devenue très prenante, et je me suis complètement investie dans le développement de cette institution et dans l'épanouissement de mes élèves. Cependant, je garde toujours ma Russie natale dans mon cœur, et j'espère qu'un jour, je pourrai y retourner et ce même si je n'ai plus de contact avec mes frères !

La rancune de Léna était tenace et elle n'était pas prête à leur pardonner d'avoir traité Elora comme une souillon esclave alors qu'elle était gravement malade. Une pointe de nostalgie se fit sentir dans sa voix, mais Léna tenta de la chasser en souriant à Jenna.

- Mais assez parlé de moi, revenons à vous ! Le Japon est un pays fascinant, n'est-ce pas ? Comment vous êtes-vous adaptée à cette nouvelle culture, et qu'aimez-vous le plus dans votre vie ici ?

Léna aimait apprendre à connaître ses collègues et les personnes qui gravitaient autour d'elle.

Ainsi donc la directrice n’y était jamais retournée. Sans doute pour des raisons personnelles vu le timbre de voix employé mais, par respect, Jenna ne poussa pas plus loin la conversation dans ce sujet. Elle-même ne savait pas si elle serait capable de ne jamais y retourner. Sûrement pas. La Russie lui manquerait peut-être un peu trop. Jenna avait trop de souvenirs là-bas. Les copains de l’armée surtout avec qui elle passait de bons moments et ses parents aussi qui étaient restés en Russie et qui étaient toujours très heureux de la revoir. Mais c’est vrai que sa vie ici était plaisante et Jenna ne ressentait rien qui s’apparenterait à un mal du pays. Et pour cause, elle avait beaucoup voyagé et avait donc rapidement appris à s’adapter.

« Mmh…laissez moi réfléchir. J’aime bien…la simplicité ? Vivre une vie normale, c’est quelque chose que je n’ai pas beaucoup connu. J’ai eu la chance d’avoir des parents aimants mais ils étaient plutôt exigeants donc je n’ai pas eu beaucoup d’opportunités de faire ce que je voulais jusqu’à ma majorité. Bizarrement, l’armée a permis de m’épanouir pas mal et de découvrir ce que je voulais faire. Sinon, pour le Japon, j’y étais déjà venu auparavant mais je ne me serais jamais dit que je m’y installerais. Les gens sont sympathiques. Certains ont un peu peur de moi, je l’avoue mais d’autres sont plutôt émerveillés de voir quelqu’un d’aussi atypique. Je ne saurais pas comment l’expliquer mais tout à quelque chose de plus joyeux ici. »

C’est vrai que c’était très différent de la Russie où elle était habituée à voir des gens plus froids et plus sérieux. Peut-être était-ce juste un biais parce qu’elle avait fait l’armée mais c’était son ressenti en tout cas.

« Et puis, bon il y a toute la culture et les traditions. J’aime beaucoup les festivals et les kimonos. Je trouve ça vraiment élégant et on a pas vraiment de vêtement similaire en Russie. Et puis, c’est super confortable aussi ! Pour l’adaptation, je dirais que je n’ai pas eu trop de mal. J’ai beaucoup voyagé quand j’étais à l’armée donc il fallait vite s’accoutumer à la culture locale. Et la langue aussi mais j’ai pas eu trop de mal pour cela non plus. En fait, pendant les missions de déploiement à l’étranger, je m’intéressait beaucoup aux locaux et j’ai fini par apprendre un certain nombre de langues. C’est un peu un souvenir pour me rappeler que je suis passée par-là. Et puis, ça servait toujours pour faire de l’interprétariat après. Bref, la vie ici est paisible et je n’ai à ne plaindre de rien. »

En même temps, il fallait être sacrément insensé pour essayer de chercher à importuner la grande russe. En fait, personne n’avait osé et tout le monde finissait par comprendre que Jenna était quelqu’un d’absolument charmante.

« Mon grade me permet de jouir d’une retraite bien fournie et les autorités russes ont bien accepté de débiter ma pension sur un compte étranger. Sans compter les autres primes et indemnités du à mon handicap et à mon acte de bravoure. J’ignore si cela peut se faire en théorie mais avec cela, je peux vivre aisément jusqu’à la fin de mes jours. Et il y a mon salaire d’enseignante aussi. Enfin, tout ça pour dire que je suis plutôt heureuse et je ne manque de rien à l’heure actuelle. »

Ou alors de quelqu’un avec qui partager sa vie mais sa condition faisait qu’il était assez difficile de trouver un partenaire, sans compter la représentation très romantique de l’amour que la rosée se faisait. Néanmoins, Jenna ne souffrait d’aucun vide affectif et semblait se débrouiller très bien toute seule malgré les conséquences de son accident.

Léna écouta avec intérêt le récit de Jenna, ses impressions sur le Japon et la manière dont elle avait réussi à s'adapter à la culture locale. Elle pouvait comprendre ce sentiment de vivre une vie normale après avoir connu des exigences élevées dans son passé, que ce soit dans l'armée ou ailleurs. La simplicité et la tranquillité que le Japon offrait semblaient apporter un équilibre bienvenu dans la vie de Jenna.

- Le Japon est en effet un pays où la tradition et la modernité cohabitent harmonieusement, et les festivals ainsi que les kimonos sont une véritable célébration de cette riche culture!

Elle admirait la capacité d'adaptation de Jenna, ses compétences linguistiques acquises au fil de ses missions de déploiement et sa volonté d'en apprendre davantage sur les cultures locales. Cela montrait son ouverture d'esprit et sa volonté de comprendre et de s'intégrer dans de nouveaux environnements, une qualité précieuse pour quelqu'un qui voyageait autant.

- C'est impressionnant de voir à quel point vous avez su tirer le meilleur de vos expériences passées pour vous enrichir et vous épanouir dans votre vie actuelle, il est évident que vous avez trouvé votre place ici.

Elle écouta attentivement Jenna parler de sa situation financière confortable, et bien qu'elle ne souhaitait pas s'immiscer dans des sujets personnels, Léna pouvait comprendre l'importance d'être financièrement indépendante et d'avoir la liberté de mener une vie épanouie.

- Je suis ravie d'apprendre que vous êtes heureuse et comblée dans votre vie actuelle. La sérénité et l'accomplissement personnel sont des trésors inestimables, et c'est merveilleux que vous ayez trouvé ce bien-être malgré les défis auxquels vous avez été confrontée.

La connexion qu'elles avaient établie au cours de leur conversation renforçait le sentiment d'harmonie qui imprégnait la salle de danse, comme si la danse elle-même avait lié leurs âmes d'une manière particulière.

- Si jamais vous ressentez le besoin de parler de quoi que ce soit, n'hésitez pas à venir me voir. Je sais que j'ai une réputation de tyran au cœur de glace, mais je suis loin de l'être !

Léna était sincère dans son offre d'aide et d'écoute. Elle croyait en la force des liens humains et en la puissance de l'empathie pour créer un environnement de bienveillance et de compréhension mutuelle.

Jenna ne semblait pas vraiment posséder de tabou et Léna continuait de l’écouter d’une oreille attentive. Pouvoir parler dans sa langue natale avec autant de légèreté la rendait heureuse et elle se sentait presque à la maison. La jeune rosée parlait avec beaucoup de passion joignant parfois quelques gestuelles à ses paroles. Elle avait l’impression de parler avec une amie qu’elle n’avait plus vue depuis longtemps. La professeure se demandait si c’était possible de l’inviter un jour pour une activité quelconque. Quelque chose de banal comme faire les magasins ou aller au cinéma ? Maintenant que Léna lui semblait moins inatteignable, elle se disait que c’était sans doute possible de lui proposer d’aller quelque part.

« Vous savez, ce n’est pas très compliqué quand le simple fait d’être en vie tient déjà du miracle. Après cela, on se surprend à être heureuse simplement en étant exposée à des petites choses de la vie. Quand on est là-bas…on oublie parfois que des gens vivent leur vie tranquillement. Bon…parfois on génère quelques regards d’incompréhension quand je m’étonnais d’une simple boîte de céréales que je n’avais jamais testée. Enfin, cela reste très marrant quand même ! »

Il y avait plein de choses qu’elle avait redécouverte au Japon. Son hospitalisation l’avait un peu déprimée. Pas pour avoir perdu un bras et un œil mais parce qu’elle s’était sentie un peu dépérir sur son lit d’hôpital. Elle avait perdu beaucoup de poids et ses muscles s’étaient pas mal affaissés à cause de son inactivité. Ce n’est qu’après son rétablissement et sa reprise en main que Jenna s’était ressentie elle-même. Désormais que sa situation était stabilisée, elle se sentait heureuse. En tout cas, la professeure était ravie d’avoir trouvé en Léna une sorte de confidente.

« C’était compliqué au début mais j’ai pris plein d’initiatives. J’ai introduit une demande pour obtenir la nationalité japonaise mais j’ai tout de même demandé si je pouvais conserver ma nationalité russe. Je suis profondément attachée à mon pays d’origine alors si je pouvais juste posséder la double nationalité, cela m’arrangerait. Ah oui ! Je me suis remise à conduire aussi. Avec des aménagements bien sûr mais je me suis renseignée et j’ai découvert qu’on pouvait le faire à une main avec quelques objets qui assuraient une assistance aux personnes amputées. Je me suis offert quelque chose d’assez récent vu que je peux me le permettre. Fastidieux de prime abord mais je me suis vite habituée et ce n’est pas si difficile que cela finalement une fois qu’on a retrouvé les automatismes. Pour tout vous avouer la dernière fois que j’ai conduit quelque chose ça devait être un GAZ-2330 Tigr…à moins que c’était ce T-90 en Syrie ? »

Elle se mit à rire joyeusement quant à cette dernière phrase. Jenna semblait avoir tellement de choses à raconter. Tant que Léna tolérait les histoires de sa vie, la jeune rosée s’en trouvait satisfaite. Evidemment, l’ancien colonel accepta l’offre de la directrice. Bien sûr qu’elle viendrait !

« C’est très gentil de votre part, Mme Pétrova. J’accepte volontiers. D’ailleurs, je me demandais si…à l’occasion…on pourrait s’organiser une sortie ensemble ? Pas grand-chose, rassurez-vous. Juste une petite heure autour d’un verre ou alors du shopping. Vous pourrez peut-être me montrer quelques coins sympas vu que vous êtes ici depuis plus longtemps que moi ? Je pourrais même vous faire monter dans ma nouvelle voiture ! Ah..Euh…bien sûr, c’est seulement si vous avez du temps à m’accorder. Je comprendrais que vous voudriez passer votre temps libre avec des gens qui vous sont proches. »

Jenna se demandait si Léna était en couple avec quelqu’un ? Evidemment, la jeune rosée ne la convoitait pas. Elle la voyait davantage comme une amie mais tout de même, elle était juste curieuse. Par respect, ce n’était pas le genre de choses dans lesquelles Jenna aimait se fourrer, préférant ne pas s’immiscer dans la vie privée des gens. En tout cas, la professeure semblait très enthousiaste quelque soit la réponse. Encore l’une de ses surprenantes facultés à se contenter du peu qu’on lui offrait.

Léna était ravie de voir Jenna s'épanouir dans sa nouvelle vie au Japon et de partager sa passion pour les petites choses qui apportaient du bonheur au quotidien. Elle pouvait comprendre comment certaines expériences pouvaient révéler l'importance des petites joies simples de la vie, surtout après avoir traversé des épreuves difficiles.

- Je suis vraiment heureuse de voir que vous avez trouvé une telle joie dans les petites choses de la vie ici. C'est vrai que parfois, nous oublions de nous émerveiller devant les détails du quotidien. Votre enthousiasme est contagieux, et cela me rappelle d'apprécier encore plus les moments simples qui font notre bonheur.

Lorsque Jenna évoqua son désir d'obtenir la nationalité japonaise tout en conservant sa nationalité russe, Léna comprit l'attachement profond que la jeune professeure avait pour son pays d'origine. C'était une démarche compréhensible et elle espérait que Jenna parviendrait à réaliser son souhait.

- Obtenir la double nationalité serait certainement une belle reconnaissance de votre attachement à vos racines tout en embrassant votre vie ici au Japon. Je vous souhaite sincèrement que votre demande aboutisse favorablement.

Elle écouta avec admiration les réalisations de Jenna depuis son accident, notamment sa reprise de la conduite avec des aménagements adaptés. La jeune professeure semblait avoir une détermination sans faille et une capacité à se dépasser, ce qui était impressionnant.

- C'est incroyable de voir comment vous avez repris en main votre vie après votre accident, Jenna. Votre persévérance et votre adaptation à de nouvelles situations sont réellement remarquables!


Quand Jenna lui proposa une sortie entre elles, Léna fut agréablement surprise et touchée par cette initiative. Elle se rendit compte à quel point elles avaient établi une connexion amicale au cours de leur discussion, et cette invitation témoignait d'une confiance mutuelle qui la toucha.

- Je serais ravie de passer du temps avec vous en dehors du cadre professionnel, Jenna. Ce serait un plaisir de partager un moment avec vous. Et je serais honorée de monter dans votre nouvelle voiture ! Vous avez su créer une atmosphère chaleureuse et amicale ici, et j'apprécie sincèrement votre offre !

Elle se rendit compte qu'elle devait clarifier certains points. Elle sourit chaleureusement tout en répondant avec honnêteté.

- Je dois vous avouer que bien que j'apprécie beaucoup le Japon et qu j'y habite depuis bon nombre d'année, je ne suis pas aussi familière que vous pourriez le penser avec la ville. Cependant, je serais heureuse de découvrir de nouveaux endroits avec vous !

Puis, Léna fit une légère pause avant de continuer.

- En ce qui concerne le verre, je préfère éviter l'alcool. Mais nous pourrions certainement profiter d'un bon repas ou d'une tasse de thé ensemble.Je suis certaine que nous passerons un bon moment , alors dites-moi quand cela vous conviendrait, et je serais heureuse de planifier cette sortie !

Jenna était très contente que Léna accepte sa demande et cela se voyait. Malgré ses expériences passées, la jeune rosée était plutôt introvertie lorsqu’il s’agissait d’interactions sociales. Elle se félicitait d’avoir réussi à obtenir une petite sortie en compagnie de la directrice. C’était déjà un bon début pour une relation amicale. Sa maman lui avait dit que c’était important d’établir des liens avec les gens et jusqu’à maintenant, Jenna avait eu un peu difficile à le faire. Peut-être qu’avec Léna c’était différent parce qu’elles étaient du même pays et que parler avec sa langue natale faisait que Jenna se sentait un peu plus à l’aise.

« Oh ne vous en faites pas, sur cela on a un point commun. Je n’ai jamais bu d’alcool de ma vie alors soyez rassurez que nous ne consommerons aucune boisson spiritueuse. Je n’ai jamais été attirée par cela et je n’ai jamais éprouvé l’envie de me retrouver dans un état second à ne pas être maitresse de mes mouvements. »

Il fallait maintenant réfléchir à un endroit où elle pourrait emmener la directrice. Elle avait testé quelques endroits avec Alyssa mais en les passant en revue, c’était plutôt des lieux que les couples fréquentaient et Jenna était soucieuse de ne causer aucun problème à Léna ou à générer des quiproquo. Dans l’idéal, elle aurait sans doute essayer de se renseigner auprès des gens qui étaient proches de la directrice mais elle ne connaissait personne qui correspondrait à cette description et elle ne voulait pas tellement fouiller dans la vie privée de la russe. Peut-être juste une petite invitation dans un restaurant un peu chic ferait l’affaire ? Oui, c’était sans doute la meilleure idée. Elle en apprendrait sans doute plus sur Léna au fil de leurs rencontres de toute façon.

« Hum…voyons voir…Je suis pas mal libre les week-end. Je m’entraine pas mal dans la matinée mais sinon, j’ai tendance à rester chez moi. Ou alors, les jours de la semaine où je n’enseigne pas ? Comme vous le savez, je ne travaille pas vraiment en temps plein ici. Ma retraite m’assurant déjà un revenu confortable, je me suis dit que ce ne serait pas raisonnable de consacrer tout mon temps au travail. J’aime bien consacrer mes jours de pause à m’amuser et découvrir un peu le pays comme faire de la randonnée en montagne par exemple. Vous avez déjà escaladé le mont Fuji ? Si non, vous devriez essayer un jour, c’est fascinant et la vue est magnifique ! On pourrait même le faire ensemble un jour si vous voulez ! »

Oui Jenna était très enthousiaste. Elle débordait d’énergie et cela se voyait clairement qu’elle voulait transmettre ses passions. Elle n’obligeait personne à la suivre bien sûr mais c’était toujours plaisant de faire ces activités lorsque l’on était accompagné. Et puis, si Léna se fatigué, elle pourrait toujours la porter ? La directrice ne devait pas être bien lourde. Elle rigola à cette pensée. En pensant à tout cela, elle avait presque oublier de parler d’un moyen de renouer le contact.

« Cela vous dérangerait de me donner votre numéro Lé..Mme Pétrova ? Ce serait plus simple si nous voulons nous joindre je pense. Ou alors vous préférez que je vous en informe en personne le moment venu ? »