La pluie amène l'arc-en-ciel [pv Aiko]

Aiko rentrait du travail d’un pas rapide. Elle regrettait amèrement de n’avoir apporté ni parapluie ni manteau imperméable. Quand elle était partie ce matin, pour son entrainement quotidien et faire l’ouverture du bar, le temps était certes un peu gris, mais rien ne présageait qu’il allait ensuite se mettre à pleuvoir sans arrêt. Elle avait eu une lueur d’espoir en remarquant une éclaircie alors qu’elle faisait sa fermeture de caisse et passait le relais à sa collègue.

Sa joie ne fut que passagère puisqu’elle eut à peine le temps de faire cent mètres avant qu’une grosse averse ne s’abatte de nouveau sur elle. Et autant dire que sa veste en jeans ne lui était actuellement d’aucune utilité. Elle aurait mieux fait de remettre ses vêtements d’entrainement et rentrer à la course chez elle. Mais maintenant qu’elle était trempée, il ne servait plus à rien de sortir ses affaires de son sac et de se changer dans une toilette publique.

Tant pis, elle assumerait sa bêtise et prendrait un bon bain chaud en arrivant au dortoir. Alors qu’elle passait dans la rue des commerces, elle entendit des cris qui lui firent d’abord penser à un bébé. Elle cessa de fixer ses chaussures trempées et releva la tête pour poser son regard brun sur un chat qui miaulait sa vie. Il était seul dans un panier de bicyclette, le poil complètement humide.

Bien qu’elle ne soit pas très à l’aise avec les animaux qu’elle ne connaissait pas, Aiko se dit qu’il fallait vraiment ne pas avoir de cœur pour laisser une pauvre bête ainsi sous la pluie. Elle sentit une pointe de colère naitre en elle, elle allait passer un savon au propriétaire irresponsable. Mais d’abord, elle allait aider ce pauvre petit minou, qui était loin d’être si petit que ça. Elle l’observa un instant. Le félidé en fit de même et arrêta de miauler pour la fixer.

« Si je te prends dans mes bras, tu ne vas pas me griffer hein ? »

Elle était loin d’être aussi candide que sa sœur, qui passait son temps à secourir des animaux en détresse, mais elle ne pouvait définitivement pas laisser ce chat sous l’eau. Gardant un œil méfiant, elle détacha la bête, avant de la prendre dans ses bras. Elle lui fit remarquer qu’il était pesant, mais le chat se laissa faire et se mit à ronronner de bonheur. Aiko glissa le félin sous sa veste, afin de le protéger et lui donner de la chaleur. Elle se colla elle-même à la façade du magasin, afin d’être protégée par un bout de toit. Le matou semblait heureux et lui lécha le menton. Sa langue râpeuse fit frissonner Aiko, qui lui caressa gentiment la tête pour le faire arrêter. Son ronronnement raisonnait dans la cage thoracique de la sportive qui souriait amusée.

« Tes loin d’être farouche toi. »

C’était bizarre, mais la Japonaise avait l’impression de connaitre ce chat. Pourtant, elle n’en avait jamais eu et aucune de ses amies n’en avait non plus. Il y avait bien ceux du bar à chat, que Natsuki lui avait présenté, mais non, elle ne se souvenait pas d’y avoir vu ce gros matou. Mais alors, où l’avait-elle vu ? Elle remarqua qu’il portait un collier bleu tiffany sur lequel pendait un médaillon avec le nom de l’animal.

« Mochi ? »

Le chat eut un miaulement d’approbation en entendant son nom. Aiko se sentait encore plus confuse. Même ce nom lui disait vraiment quelque chose, mais elle n’arrivait pas à se souvenir. Elle se creusa les méninges pour essayer de raviver sa mémoire.

Aiko s’apprêtait à passer un savon à la propriétaire de Mochi, mais quand son regard rencontra le sien, elle en resta bouche bée. Ces yeux aux reflets pourpres, ces lunettes rondes et surtout ce grain de beauté sous l’œil droit, faisant miroir à celui qu’elle-même avait sous l’œil gauche… Il ne pouvait s’agir que d’une personne :

« Ayano-chan… »

La sportive avait simplement réussi à murmurer le prénom de son amie d’enfance. Elle n’était pas certaine et ne voulait pas passer pour une folle. Mais en même temps, tous ses souvenirs semblaient refaire surface et elle se souvint également de ce chat, Mochi. Elle entendait encore les pleurs de Natsuki qui voulait à tout prit le garder. Elle se souvenait du refus catégorique de ses parents. Aiko avait alors proposé à sa sœur d’en parler avec Ayano et finalement, Natsuki lui en avait confié la garde, la faisant jurer d’en prendre soin toute sa vie. Elle semblait tenir sa promesse puisqu’après six ans, elle veillait encore sur le matou. Enfin si on oubliait le fait qu’elle l’abandonnait sous la pluie.

Alors qu’elle lui expliquait la situation, Aiko resta encore un instant sous le choc, ne s’attendant absolument pas à revoir son amie ainsi. Il s’agissait bien d’elle, Ayano l’avait également reconnu malgré qu’elles aient toutes les deux gagné en maturité physique. Elle ne semblait pourtant pas aussi surprise qu’Aiko et l’invita le plus naturellement du monde à venir chez elle. Comme ci elle ne s’était jamais quittée. Aiko n’était pas du genre tactile, même si elle acceptait les câlins de sa sœur sans broncher. Pourtant, un grand sourire étira les lèvres de la cadette Tsukino et elle ne put s’empêcher de prendre son amie dans ses bras. Sa surprise avait laissé place à l’euphorie de la retrouver.

« Ayano-chan ! Je suis contente de te voir ! Ça fait un bail ! »

Elle la relâcha tout de même rapidement, ne voulant pas créer de malaise et encore moins étouffer Mochi qui se tenait à présent dans les bras de sa maitresse. Aiko accepta son offre, elle voulait en profiter pour parler avec elle. Elles avaient tellement de choses à se dire.

« Je n’en reviens pas, je ne savais pas que tu vivais dans le coin. Et non Natsu n’est pas avec moi, madame est très occupée entre ses cours, son travail et sa petite amie. Elle a vraiment changé, même si elle reste encore… Natsuki. Elle a son monde et ça, j’espère que ça ne changera jamais ! Elle est à l’université maintenant, elle n’a pas encore percé, mais à fait beaucoup de progrès. Contrairement à ce que je pensais elle s’est accrochée à son rêve et travaille fort pour atteindre ses objectifs. Elle est vraiment douée ! Faudrait que je t’emmène la voir un jour, elle sera très contente ! »

Kiralee lui aurait surement fait la remarque d’arrêter de parler de sa sœur, mais c’était plus fort qu’elle. Aiko était fière de Natsuki et plus que ravie de tenir informer Ayano de ses réussites. Les trois jeunes filles avaient été très proches et ça avait été très difficile pour les Tsukino de devoir lui dire au revoir. Aiko prit un instant pour détailler son amie alors qu’elle marchait à ses côtés. Elle avait changé, mais en même temps pas tant. C’était difficile à expliquer. Une chose avait changé par contre, son attitude. Aiko se souvenait d’une jeune fille timide et discrète, toujours en retrait. La jeune femme qu’elle était aujourd’hui semblait beaucoup plus confiante.

« Est-ce que tu veux que je t’aide à porter quelque chose ? Ton sac ? Ton vélo ? Ou même Mochi ? Je suis désolée j’ai oublié mon parapluie je ne peux même pas t’aider à te garder au sec… »

« Tu es encore aux études aussi ? C’est super ça ! Toujours en médecine ? »

Aiko se rappelait la ténacité de son amie qui criait sur tous les toits qu’elle allait devenir médecin. Elle avait envie de sauver les gens et avait toujours tout fait pour être la plus studieuse dès son plus jeune âge. Ayano et Aiko se retrouvaient souvent serrées sur le podium de classe. Jamais personne d’autre n’avait réussi à rivaliser avec l’intellect de la sportive. Toutefois, là où Aiko attisait l’admiration, son amie elle attirait les moqueries. Tout cela parce qu’elle était moins sociale que la cadette Tsukino. Cependant Aiko avait toujours soutenu et défendu son amie jusqu’à ce que les moqueries cessent.

Aiko récupéra le gros chat et le caressa en souriant. Il pleuvait encore, mais moins abondamment que précédemment. Elle caressa affectueusement la tête de Mochi avant de reporter son regard sur son amie. Un sourire amusé étira ses lèvres alors qu’elle constatait qu’Ayano semblait surprise d’apprendre que Natsuki avait changé.

« Toi aussi tu as changé Ayano. Tu as l’air d’être beaucoup plus sûre de toi. Tu étais beaucoup plus timide avant, même avec Natsu et moi. »

La question qui suivit déstabilisa Aiko qui sentit le rouge lui monter au visage. Elle évita de peu un poteau, qu’elle faillit se manger parce qu’elle ne regardait pas devant elle. Aiko était mature, mais parlez-lui d’amour ou de ses sentiments et elle perdait automatiquement ses moyens. Elle avait eu une seule relation, qui n’avait pas bien fini et dont elle garda encore des séquelles. Pourtant, son entourage venait sans cesse lui demander des conseils sur le sujet comme ci elle était une experte. La réalité, c’est qu’elle se sentait incroyablement vulnérable quand elle devait évoquer ses sentiments. Elle préférait mille fois grimper sur le dos d'un cheval que de parler d'amour. Une chance qu’Ayano se rendait compte du malaise et changeait de sujet. Aiko put ainsi éluder la question pour cette fois.

« Nina ? Oui elle est super. Elle pratique la danse classique. Elle est assez douce et calme, tout en étant une personne affirmer. Son tempérament match bien avec celui de Natsu. Elles ont l’air heureuses en tout cas. »

Aiko repensa à cette fille qui avait brisé le cœur de sa sœur pour la première fois. Elle s’appelait Mari et Aiko avait été bien déterminée à la remettre à sa place. Natsuki lui avait toutefois interdit de faire quoique ce soit et Aiko avait dû se contenter de réconforter sa sœur pendant des semaines. S’en était suivi une longue suite de déception amoureuse pour sa sœur qui montait toujours trop vite sur ses grands chevaux. Aiko avait été inquiète quand sa sœur avait commencé à sortir avec Nina. Elle était restée méfiante avec la danseuse avant de réellement apprendre à la connaitre alors qu’elle préparait ensemble le mariage de leurs amies. Aiko considérait maintenant Nina comme son amie et était heureuse que Natsuki l’ait dans sa vie.

« Je n’aurais pas laissé quelqu’un comme Mari rentrer dans la vie de Natsu. Mais malheureusement elle a eu plusieurs fois le cœur brisé avant de tomber sur Nina. Je suis contente que cette fois-ci ça marche bien. »

Les rumeurs disaient même que les sœurs Tsukino étaient maudites. Que lorsqu’une était en couple, l’autre ne pouvait pas l’être. Si c’était vrai, alors Aiko était prête à passer sa vie seule pour s’assurer que sa sœur soit heureuse. En plus, ça lui éviterait aussi de souffrir à nouveau d’un cœur brisé. Elle était bien moins forte que Natsuki.

Arrivée à destination Aiko fut surprise de constater que son amie vivait dans le même immeuble que Riley. Elle irait peut-être la saluer avant de rentrer chez elle. Elle laissa Mochi quitter ses bras et les guider jusqu’à sa nouvelle demeure. Une fois rentrée, elle retira ses chaussures et accepta les chaussons ainsi que la serviette que lui tendit son amie. Elle sécha vigoureusement ses cheveux, avant d’enlever sa veste en Jeans et la mettre à sécher.

« J’aimerais bien du thé s’il te plaît. Je pourrais t’aider à ranger ce qu’il reste aussi si tu veux. Et oui, le jour où Natsuki n’aura plus son appétit légendaire ça voudra dire que la fin du monde est proche ! »

Aiko alla s’installer, se sentant à l’aise d’être chez son amie. Plus jeune elle et sa sœur passait beaucoup de temps chez la famille Kazeha. Hikari était trop jeune, elle se faisait garder par ses grands-parents puis par des nounous. Plus grande, elle ne les suivait pas et restait seule à la maison. Elle n’aimait pas partager l’attention d’Aiko et préférait donc rester dans sa chambre plutôt que de voir sa sœur s’amuser avec Ayano et Natsuki.

« Comment va ton père ? Est-ce qu’il vit toujours dans votre maison ? »

Aiko fut extrêmement surprise de ce que lui confiait Ayano. Si elle devait mettre un visage sur le mot détermination, elle aurait sans hésiter imaginer celui de son amie. Depuis son plus jeune âge elle s’était fixé un objectif et avait tout fait pour l’atteindre. Quitte à mettre son enfance de côté. Aiko savait que c’était une des séquelles qu’elle avait à cause du fait qu’elle avait été privée de sa mère jeune. Elle était donc persuadée qu’Ayano finirait par faire partie des meilleurs médecins du pays. Il fallait croire que la vie lui avait également joué des tours. Aiko comprenait totalement sa situation. Son visage n’afficha ni jugement ni déception, seulement de la compassion.

« Ce n’est rien Ayano. Ça arrive de se tromper, il n’est jamais trop tard pour trouver sa voie. Je sais de quoi je parle, j’ai changé trois fois de cursus ! Je suis allée en théâtre parce que je savais que c’était la discipline dans laquelle j’étais la meilleure et que ça me permettrait de suivre ma sœur dans son école. Leur test d’entrée ce n’est pas de la rigolade ! Finalement j’ai cédé à la pression de mes parents et j’ai tout quitté pour retourner chez eux et aller en droit… Ils m’ont fait du chantage et je suis tombée dans le panneau parce que je voulais protéger Natsu et Hikari. Finalement, j’ai pris conscience que j’allais gâcher ma vie en voulant leur faire plaisir. Alors je suis revenu ici. La ville a ouvert une académie des sports peu de temps après. Tu connais mon amour pour le sport. J’ai vu ça comme un signe, alors je me suis lancée et aujourd’hui je ne regrette absolument pas mon choix ! Enfin… un peu, j’ai laissé Hikari derrière et je ne sais absolument pas comment elle va… elle doit m’en vouloir à mort… »

Même si Aiko était aujourd’hui bien plus épanouie qu’avant, elle n’oubliait pas sa petite sœur. Elle avait essayé de prendre contacte avec elle en vain. Elle espérait sincèrement qu’elle aille bien et qu’elle réussirait à lui pardonner un jour.

Les deux amies avaient chacune dû affronter leurs propres épreuves. Cela les avait fait grandir et murir. Chacune s’était nourrie des difficultés rencontrées pour les transformer en force et réussir à trouver l’équilibre. Ayano avait l’air aussi épanoui qu’Aiko et c’est ce qui était le plus important. La sportive écoutait son amie lui parler de Natsuki avec un sourire en coin. Aiko avait le souvenir de l’admiration que portait Ayano pour son ainée. À l’époque, elle était la seule personne en dehors d’Aiko à avoir conscience que Natsuki était une fille formidable. Aiko avait passé son enfance et son adolescence à protéger celle qu’elle considérait comme son trésor le plus précieux. Elle était heureuse qu’aujourd’hui d’autres personnes aient remarqué la richesse de Natsuki. Elle était heureuse également que Nina en prenne soin.

« Je vois que tu as toujours la même admiration pour ma sœur. »

Elle lui fit un clin d’œil taquin. Elle ne savait si ses pensées étaient fondées, mais elle s’était plusieurs fois demandé si Ayano n’avait pas un crush sur Natsuki quand elles étaient plus jeunes. Cela remontait à longtemps, il ne valait pas la peine qu’elle ramène le sujet sur la table. De toute façon, à part mettre son amie dans l’embarras, ça n’apporterait rien de constructif.

Et de toute manière elle n’eut ni le temps d’approfondir ou de changé de sujet, qu’Ayano lui fit une remarque qui eut pour conséquence de faire changer de couleur le visage d’Aiko. Il était passé au rouge pivoine et son cerveau cessa de fonctionner un instant, l’empêchant de dire une phrase un minimum intelligible. Elle qui pensait que son amie d’enfance était de son côté, c’est-à-dire du côté de l’innocence, elle s’était encore fait avoir. Ayano était passé du côté obscur et avait rejoint le rang des tyrans qui avaient pour unique mission de mettre Aiko dans l’embarras. On avait les amies qu’on mérite apparemment. Alors pourquoi les siennes passaient-elles leur temps à sortir ce genre de commentaire qui avait le don de lui faire disjoncter le cerveau ?

La tête basse, elle trébucha sur du vide avant d’aller s’asseoir sur le canapé sans commentaire. Elle était une adulte maintenant, ce genre de commentaire ne devrait pas la faire réagir ainsi. Et pourtant, c’était plus fort qu’elle. Elle ne sut quoi dire alors elle garda le silence. Elle laissait passer pour cette fois, mais elle aurait sa revanche un jour.

« Vraiment ? On pourrait aller le voir un jour alors ! Avec Natsu on est en train de rénover notre ancienne maison ! Est-ce que tu as eu l’occasion de la rencontrer ? La femme que ton père courtise ? »

Les mots et le geste d’Ayano eurent pour effet de détendre Aiko. Elle avait toujours pu compter sur son amie pendant son enfance, elle était contente que ce soit encore le cas.

« Merci, Ayano. »

Elle lui fit un petit sourire sans se préoccuper de leur proximité soudaine. Aiko avait grandi avec la jeune femme, elle faisait partie de sa famille. Enfin, Natsuki et elle faisaient partie de la famille Kazeha. Parce que ses propres parents avaient fini par devenir des monstres et que leur famille ne ressemblait plus du tout à un foyer heureux. Quand Ayano retira sa main, Aiko en profita pour prendre sa tasse qui venait d’être remplie. Elle se délecta du goût du thé et soupira de bien être en sentant une chaleur agréable se diffuser dans son corps.

« Il est très bon ! C’est pile ce qu’il me fallait après la douche qu’on a pris dehors. Je suis contente de te retrouver aussi Ayano. Tu m’as manqué. »

Elle lui offrit un nouveau sourire plein de sincérité. Elle regrettait de ne pas avoir gardé davantage contacte avec elle, mais la vie était ainsi. Elle avait appris à accepter qu’on ne pût rien changer du passé et que seul l’instant présent comptait. Elle était heureuse de pouvoir retrouver son amie et que rien n’ait changé dans leur complicité.

« On a dû se manquer de peu alors ! La grande rousse c’est Riley, elle vit ici aussi d’ailleurs. C’est elle qui nous aide avec les travaux, elle a grandi sur une ferme alors elle a des bases de menuiserie. La malcommode, c’est Kiralee ma meilleure amie. Elle a aussi mauvais caractère qu’elle en a l’air ! Mais c’est quelqu’un de bien, c’est elle qui m’a sortie de la galère. Comme tu viens d’arriver, je suppose que tu n’as pas encore rencontré de monde ? Si jamais tu as envie, tu pourrais venir faire des soirées avec mes amies de temps en temps. J’en ai des plus aimables que Kiralee ! »

Aiko avait envie de rattraper le temps perdu avec Ayano, mais en même temps, elle ne voulait pas la brusquer. Ayano avait toujours été assez réservé et même si elle semblait avoir gagné en confiance peut être n’était-elle pas à l’aise de passer du temps avec trop de monde. Et des inconnues qui plus est.

« Je pratique l’athlétisme. J’ai hésité avec des arts martiaux, mais je ne regrette pas mon choix. J’aime la polyvalence de l’athée et l’indépendance que ça m’apporte aussi. Toi, pourquoi la litté ? Je sais que tu préfères être entourée de livres que d’être humain, mais tu aimerais t’orienter vers quel métier ? »

Aiko reprit une gorgée de son thé, avant de venir caresser la tête de Mochi qui ronronnait de bonheur d’être sur les genoux de sa maitresse.

« Maintenant que l’on s’est retrouvé, il n’est pas question qu’on se perde de vue à nouveau ! »

Elle lui fit un clin d’œil avant de reprendre une gorgée de thé. Perdant à nouveau sa seconde main dans le pelage du félin. Elle arrêta ses caresses et leva un sourcil intrigué par la remarque de son amie. Elle avait réellement changé pendant ces six années.

« Des endroits qui ne sont pas accessibles à tout le monde ? »

Elle était réellement intriguée. Que pouvait bien insinuer Ayano ? Avait-elle des accès privilégiés dans des clubs VIP ? Était-elle une sorte de célébrité ou autre ?

Aiko s’appuya contre le dossier et entoura sa tasse de ses deux mains. Elle regarda un instant le liquide qui se trouvait dedans. Il était vrai que les arts martiaux étaient davantage ses sports de prédilection. Elle avait arrêté d’en faire après son combat avec Kiralee. Avait repris plus récemment, car c’est ce qui l’aidait le mieux à se défouler et vider son esprit. Elle aimait se battre, mais ne voulait plus sortir de ses gonds au point d’utiliser ses compétences pour blesser autrui. Au moins, en courant, elle ne risquait pas de nuire à qui que ce soit.

« J’ai un peu abandonné les sports de combat. J’en fais occasionnellement, mais je préfère garder cela comme loisir et non comme carrière. »

Ainsi Ayano ne savait pas non plus ce qu’elle voulait faire. Aiko eut un sourire amusé. Au moins elle n’était pas seule à être un peu perdue en ce qui concerne son avenir. Cela lui apportait un certain réconfort.

« Je vois… ce n’est pas toujours facile de savoir ce que l’on veut faire. L’important c’est de faire ce que l’on aime. Ça peut évoluer avec le temps après tout, rien n’est gravé dans la roche. »

Elle plongea son regard sombre dans celui aux reflets pourpres.

« Je te le souhaite ! J’ai hâte de voir où tout cela va te mener ! »

Aiko entra dans une intense réflexion, Ayano venait de piquer sa curiosité. Elle n’avait cependant aucune idée de ce que pouvaient être ces endroits. Cela pouvait être tout et n’importe quoi. Elle y réfléchit encore un instant avant de tenter sa chance.

« Je ne sais pas, je me dis que tu me caches peut-être quelque chose. Et que tu te rends dans des endroits où seuls des gens de ton groupe d’appartenance se rendent… »

Elle fixa le visage de son amie pour y déceler le moindre indice. Elle avait fait exprès de rester évasive, pour voir la réaction de la Japonaise. Elle avait en tête un club littéraire, ou un endroit VIP. Peut-être qu’Ayano connaissait du monde célèbre ou l’était elle-même.

« Si tu tiens tant à venir me voir suer, tu peux toujours venir me voir courir. C’est toujours plaisant d’avoir du monde dans les gradins qui viennent pour m’encourager. Ça me donne encore plus envie de gagner, pour remercier mes proches ! »

Aiko aimait la compétition, mais elle se donnait toujours plus lorsqu’elle savait que du monde comptait sur elle. Elle avait hâte de participer à sa première compétition et d’inviter ses amies à venir l’encourager. C’étaient elles et sa sœur sa plus grande force.

Elle déposa sa tasse à présent vide sur la table basse et recommença à donner des papouilles au chat endormi. En entendant le commentaire de son amie, sa main glissa da la tête du chat pour venir serrer doucement les doigts de l’étudiante en littérature.

« Tu n’as pas à être déçu Ayano, au contraire, soit fière de toi. Tu t’es rendu compte que tu t’étais trompé et tu as eu le courage de suivre ton cœur. C’est une force, pas une faiblesse. »

Sa main resta sur celle de son amie, lui accordant une légère pression qui se voulait réconfortante. Elle continuait de soutenir son regard et de lui sourire avec douceur. Un de ses sourcils vint cependant légèrement se redresser alors qu’Ayano lui disait qu’elle devait arrêter d’être gentille, sous peine de faire quelque chose de regrettable et d’attiser la colère d’Aiko. Cette dernière ne comprenait absolument pas pourquoi elle lui disait cela soudainement. Essayait elle encore de la charrier ? Elle ne se laisserait pas facilement avoir cette fois-ci.

« Ah oui ? Et qu’est ce que tu pourrais me faire de regrettable Ayano-chan ? »

Elle ne bougea pas, continua de tenir la main de son amie et de la fixer dans les yeux, l’air le plus sérieux du monde. Que pouvait-elle faire ? Aiko ne pensait pas que son amie était devenue une tueuse psychopathe qui allait la poignarder. Alors, que craignait-elle ?

Arg, elle s’était fait avoir, Ayano est une personne redoutable, qui ne se laisse pas berner facilement. Elle n’obtiendrait aucun indice. Alors, autant lui dire ce qui lui passait par la tête. En plus, elle osait se servir de ses mots contre elle. Elle se souvenait de cet après-midi d’été où elle avait passé un bon dix minutes à rassurer et encourager son amie à venir se baigner. À peine avaient-elles rejoint l’eau que Natsuki avait fait une mégabombe pour les rejoindre. Elles avaient passé le reste de la journée à faire un concours du plongeon le plus drôle.

« J’en ai vraiment aucune idée. Te connaissant, ça peut être tout et n’importe quoi. J’ai pensé à une sorte de club VIP pour célébrité. Peut-être vis-tu une double vie. Est-ce que tu es une agente sous couverture ? »

L’idée d’imaginer son amie en espionne la fit rire. Impossible que ce soit cela. Pas qu’Ayano n’en soit pas capable, mais ce serait bien trop fou. De toute façon, si tel était le cas, elle ne dirait rien à Aiko. Puis, elles n’étaient pas dans un film non plus.

Évidemment que cela lui ferait plaisir qu’Ayano vienne l’encourager. Elle et Natsuki avaient toujours été ses meilleures supportrices. Elle voulait qu’elle lui fasse des Udons ? Aiko fut surprise de voir que son amie se rappelait qu’elle avait une recette particulière pour ce plat mythique. En réalité, le secret venait d’une erreur. Elle était encore petite lorsqu’elle avait préparé ses premiers Udons. À l’époque, elles les faisaient avec des nouilles instantanées. Elle s’était alors trompée d’épices pour le bouillon. Elle se souvient s’être mise à pleurer, parce qu’elle voulait les faire comme sa mère les faisait, mais avait complètement manqué la recette. Natsuki était alors venu la réconforter. Elle avait gouté le plat de sa sœur et avait décrété que c’était les meilleurs udon de la Terre. Aiko s’était sentie fière. Elle avait gardé cette recette improvisée et l’avait simplement perfectionné avec le temps. Quand elle avait le temps, elle faisait même ses propres nouilles, mais le plus souvent, elle en achetait des fraîches dans des magasins spécialisés. Seul Natsuki connaissait le secret de sa recette.

« Et j’emporterais ce secret dans ma tombe. »

Elle fit un clin d’œil à son amie avant de regarder par la fenêtre. La météo ne semblait pas vouloir s’améliorer. Elle n’avait rien de spécial de prévu pour sa soirée. Habituellement, après leurs entrainements respectifs, elle allait manger avec Sara aux réfectoires. Mais elle ne pouvait pas vraiment aller s’entrainer avec un temps pareil. Et puis, elle ne savait pas quand est ce qu’elle pourrait repasser autant de temps avec Ayano. Elles avaient chacun des emplois du temps assez chargés.

« Je ne suis pas contre l’idée de rester à l’abri. Je ne sais pas si on aura bientôt une autre occasion de passer du temps ensemble comme cela, alors, autant en profiter. Et, c’est avec plaisir que je te ferais un bon repas pour te remercier de ton hospitalité. Je vais juste prendre le temps de texter ma sœur et une amie, pour qu’elles ne s’inquiètent pas si elles ne me voient pas ce soir à l’académie. »

Elle sortit son téléphone de sa poche et texta d’abord Natsuki, commençant son message par « Tu ne devineras jamais qui j’ai croisé aujourd’hui ! ». Elle écrivit ensuite un message à Sara, lui informant qu’elle était chez une amie et qu’elle ne pourrait pas venir lui tenir compagnie pour le repas du soir. Elle lui promit de se faire pardonner en l’invitant à retourner manger une crêpe en ville un de ces quatre. Ses messages envoyés, elle rangea l’instrument dans sa poche et reporta son attention sur son hôte.
Encore une fois, Aiko avait manqué quelque chose. Elle venait de perdre le contrôle de la conversation. La réplique de son amie, ainsi que ses gestes eurent raison de son cerveau qui disjoncta. À quel moment avait-elle encore mal lu la pièce ? Son visage vira au rouge écarlate et son cœur s’emballa. Kami-sama elle avait vraiment un problème. Ou un don. Un don pour se mettre dans ce genre de situation qui la mettait incroyablement mal à l’aise. On lui avait déjà mentionné sa candeur. Kiralee disait que c’était plutôt de la connerie. Qu’elle avait beau être sortie avec Sleïlo, qu’elle était la plus aveugle du couple. Comment pouvait-elle interpréter la situation ? Ayano lui faisait-elle des avances ? Impossible, elles venaient de se retrouver et de toute façon, il n’y avait jamais rien eu d’ambigu entre elles. Non. Elle faisait cela uniquement pour la mettre dans l’embarras. Ayano aimait embêter Aiko et quoi de mieux que d’exploiter son point faible pour cela ?

Son état de choc passa et son visage afficha une petite moue enfantine et contrariée.

« Kazeha-san, cessez de vous moquer de moi en jouant avec ma pudeur, je vous prie. »

Elle misa sur le ton de l’humour pour détendre l’atmosphère devenue bien trop chaude pour elle. Elle espérait vraiment que le malaise allait et que l’ambiance allait revenir à la légèreté qu’elle avait plus tôt.

Aiko ne sent nullement offensée du rire de son amie. Au contraire, ce dernier déclencha le sien. Elle était intriguée, mais ne voulais pas en faire un cas, Si Ayano ne souhaitait pas lui dévoiler, c’est qu’elle n’en ressentait pas encore l’envie de le faire. Elle voulait simplement titiller la sportive et Aiko le prit de bon cœur. Cela lui faisait plaisir de voir son amie d’enfance rire ainsi. Les sœurs Tsukino avaient toujours eu le tour pour déclencher les rires de leur amie.

« Tout le temps que tu voudras, on pourrait créer un nouveau rituel, ou on se ferait un bon plat d’Udon au moins une fois par mois. Mais il va falloir que tu contribues aussi ! Ton père t’a-t-il appris à faire de merveilleuse pâtisserie comme les siennes ? »

Le père célibataire avait toujours su les régaler avec des fantaisies sucrées. Souvent, il préparait des assortiments et leur en proposait comme collation après une grosse session de jeux. C’était le moment que Natsuki préférait. Aiko avait moins la dent sucrée que sa sœur, mais elle se rappelait parfaitement le réconfort qu’elle ressentait en s’empiffrant accompagnée de Natsu et Aya.

Le trouble qu’Aiko avait ressenti s’envola immédiatement lorsqu’elle se rappela l’histoire des vers de terre. Elle ne put s’empêcher de rire à nouveau, en se remémorant la tête qu’avait eut la jeune Ayano.

« Si tu avais pu voir ta tête ce jour-là, toi aussi tu aurais ri ! J’avoue qu’on a eu tendance à beaucoup te taquiner. Mais tu étais tellement candide et adorable, que c’était beaucoup trop tentant. Comme lorsque nous t’avons fait croire qu’un Yokai vivait dans ton jardin. Avec du recul, je me dis qu’on a peut-être été un peu trop loin cette fois-là.»

Et par trop loin, elle entendait que sortir de chez elles en pleine nuit, déguisée et tenant une bougie à la main en se baladant dans le jardin de son amie. Natsuki avait fait cogner des cailloux à la fenêtre d’Ayano pendant qu’Aiko se baladait sous une sorte de draps. Forcément, elle n’y voyait pas grand-chose et était tombée. Elle aurait pu mettre le feu à son déguisement avec sa bougie, mais par chance, celle-ci s’était éteinte l’instant d’avant, à cause d’une bourrasque. Elle passa une main derrière son crâne et afficha le même sourire gêné et coupable qu’elle avait eu lorsque le père d’Ayano était sorti en trombe après avoir entendu sa fille crier.

L’athlète n’eut même pas le temps de dire un mot que son hôte s’était déjà levé pour lui préparer des affaires. Aiko se leva également et alla déposer les deux tasses vides dans l’évier de la cuisine. Elle récupéra les affaires que lui tendait Ayano en la remercia et s’éclipsa dans la salle de bain pour se laver. Cela lui faisait bizarre de se dire qu’elle était chez son amie d’enfance, à prendre un bain et profiter de sa présence comme si elle ne s’était jamais quittée. Son bain fut bref, mais efficace, elle était bien trop hyperactive pour rester à se prélasser pendant de longue minute. De plus, elle était bien trop contente de cette soirée improvisée et voulait continuer d’en profiter un maximum. Elle enfila le short, qu’elle dut serrer quasiment au maximum, puis, après s’être frotté vigoureusement les cheveux pour les sécher, elle enfila le t-shirt blanc. Les vêtements étaient amples et confortables. Il faisait suffisamment chaud dans l’appartement pour qu’elle n’attrape pas froid. Elle passa sa main dans des cheveux, venant les plaquer vers l’arrière pour dégager son visage. Une fois prête, elle rejoignit la cuisine et se mit immédiatement à l’ouvrage.

Chaque geste de préparation était rapide et concis, elle était en mode pilote automatique. Elle connaissait sa recette sur le bout des doigts, si bien qu’elle se sentait capable de la réaliser les yeux fermés. Mochi s'était levé et se frottait aux jambes d'Aiko. L'odeur de la nourriture devait l'attirer. Elle fouilla dans les épices à la recherche de son ingrédient secret, se dépêchant de l’ajouter à la recette et de le ranger, afin qu’Ayano ne se rende compte de rien. Quand cette dernière sortie de la salle de bain, Aiko terminait son chef-d’œuvre.

« C’est presque prêt, il faut juste finir la cuisson. »

Elle accorda un doux sourire à son hôte avant de reporter son attention sur son plat. Elle laissait bouillir un temps précis pour que les pâtes ne deviennent pas trop molles. Quand elle eut atteint la cuisson parfaite, elle ferma le rond de cuisson et versa le contenu de sa casserole dans deux grands bols. Elle ajouta les légumes et la moitié de l’œuf qu’elle avait fait cuire à côté, puis déposa les deux bols sur la table qui avait été dressée par la maitresse de maison.

« Itadakimasu ! »

C’est en sentant l’odeur du plat que le ventre d’Aiko se mit à gronder, lui indiquant qu’elle avait vraiment faim. Ce repas tombait à pic. Elle attrapa ses baguettes et prit une première bouchée. Elle avait réussi sa recette. Elle retrouvait le goût particulier de qu’elle avait développé au fil des années.

« Il n’y a pas de quoi. Je suis contente que tu les aimes encore ! »

« Oh, je ne disais pas qu’on devait se voir une seule fois par mois. Mais qu’on devrait manger des Udons une fois par mois. Parce que si on en mange à chaque fois qu’on se voit, on va finir par détester ça! »

Aiko comptait bien profiter régulièrement de son amie et passer de nouvelle soirée comme celle-ci. Elle avait envie de rattraper le temps perdu et surtout, elle avait besoin de se changer les idées. Certes, elle avait la chance d’être déjà bien entourée, après tout elle avait Natsuki, Kiralee et Sara avec qui partager du temps. Mais elle ne voulait pas inquiéter sa sœur, Kiralee était trop occupée avec ses cours, ses entrainements et sa conjointe et Sara… Elle passait souvent du bon temps en sa compagnie, elle pouvait se laisser aller en sa présence et c’était agréable. Elle se retrouvait toutefois trop souvent déstabilisée par la cavalière. Elle ne savait pas trop pourquoi. Ou peut-être ne voulait-elle simplement pas le savoir. En pensant à la cavalière, sa main se glissa dans sa poche et elle tritura l’hirondelle qui était accrochée à son trousseau de clefs.

Avec Ayano elle se sentait bien, en sécurité. Elle avait ce sentiment rassurant de pouvoir lui faire aveuglément confiance, d’être écoutée et soutenue qu’importe ce qu’elle avait à dire. Elle ressentait ce sentiment de bien être que l’on ressent lorsqu’on rentrait chez soi. C’était à la fois plaisant et étrange. Après tout, elle ne s’était pas vue depuis des années. Ayano aurait pu changer et devenir une parfaite étrangère avec qui Aiko n’aurait plus rien à partager. Et pourtant, elles étaient là toutes les deux, à partager un repas en se remémorant des souvenirs d’enfance. Comme si elles s’étaient quittées seulement la veille.

« Si ça peut te rassurer, Natsuki était aussi apeurée que toi et ne voulait pas te faire peur. Je suis la coupable dans l’histoire, je lui ai promis une semaine de dessert si elle m’accompagnait. Elle avait tellement la trouille qu’elle a voulu grimper à l’arbre à côté de ta fenêtre pour te rejoindre et c’est en le grimpant que les branches ont frotté contre le carreau. »

Oui, plus jeune Aiko était casse-cou et aimait jouer des tours aux autres. C’était toujours le cas, mais elle avait moins des idées de grandeurs. Natsu elle, avait toujours été la plus candide incapable de faire du mal à une mouche. Même avec la promesse d’une semaine de dessert en plus, elle n’avait pu se résoudre à faire peur à son amie. Aiko s’en était voulu par la suite, mais au moins l’intervention du père d’Ayano avait permis de rendre la situation plus amusante finalement. Aiko n’avait plus tenté de faire peur à son amie après cela. Aiko prit une nouvelle bouchée de son plat et l’avala avant de poser son regard sombre sur son amie.

« Bien sûr que tu es toujours adorable. »

Cela venait du cœur et était rempli de sincérité. Il n’y avait aucune arrière-pensée, Aiko annonçait juste un fait. Elle reporta son attention sur son plat et le termina en venant boire le bouillon en prenant son bol entre ses mains.

« Oui ! Je me souviens d’eux ! C’est fou qu’ils soient encore ensemble après tout ce temps ! Je suis contente que madame Koshikawa puisse prendre du repos chez sa fille. Elles ont toujours été proches. Natsu avait un crush sur Leiko parce qu’à chaque fois qu’on allait à l’épicerie et qu’elle était là, elle nous donnait une sucette gratuite. Tu te rappelles comment Natsu changeait d’attitude chaque fois qu’elle croisait Leiko ? Elle devenait hyper mielleuse et essayait de se donner un air cool. Elle passait son temps à dessiner des cœurs dans ses marges de cahier, même pendant que je lui faisais faire ses devoirs le soir.»

Une Natsuki amoureuse avait tendance à être encore plus dans la lune que d’habitude. Aiko se leva en même temps que son hôte et l’aida avec la vaisselle. Elle regarda l’heure sur son téléphone, avant d’essuyer la vaisselle qu’Ayano lui tendait.

« Je peux rester encore un peu, mais pas trop tard, j’ai une grosse journée demain. »

Entre ses cours, ses entrainements, ses cours d’Allemand avec Sara et le fait qu’elle devait aller voir Sleïlo, elle avait de quoi faire. Cette soirée lui permettait de faire une pause, mais il ne fallait pas qu’elle en abuse trop, sinon elle n’aurait aucune énergie pour affronter son retour à la normale.

L’athlète rangea le bol qu’elle avait dans la main et attrapa le second pour le sécher à son tour. Voilà qu’Ayano voulait qu’elle parle d’elle. Aiko n’était pas vraiment douée pour ça. Elle ne pensait pas avoir une vie si passionnante que ça. Mais puisqu’Ayano lui demandait, elle allait faire un effort.

« Je ne pense pas être si incroyable que tu le dis. Ma vie n’est pas si palpitante. Mais si je devais faire un résumé, le voici : Je suis entrée en théâtre pour suivre ma sœur et veiller sur elle, je suis tombée amoureuse pour la première fois, j’ai vécu dans un appartement à 17 ans, une fille que je détestais est devenue ma meilleure amie, j’ai tout quitté pour aller en droit pour faire plaisir à mes parents, j’ai eu le cœur brisé pour la première fois, mes parents ont voulu me marier à un inconnu, je les aie envoyé chier et suis revenu ici, j’ai vécu dans la villa d’une célébrité et ait travailler comme barmaid -je le suis toujours d’ailleurs- et finalement je me suis inscrite à l’université en athlétisme, je me suis fait une nouvelle amie qui fait de l’équitation, à qui je donne des cours et qui m'apprend l'Allemand, j'ai été la témoin de mariage de ma meilleure amie, j’ai récemment vécu un deuil et aide mon ex à s’en remettre et à sortir de la dépression… »

Ouais, en fait, dit comme ça, elle en avait vécu des choses. Sa vie était peut-être plus intense qu’il n’y paraissait. Intensément chaotique. Elle eut un rire à la fois nerveux et amusé en faisant ce constat.

« Ouais, ça a été un peu du grand n’importe quoi, mais l’important, c’est que tout va bien aujourd’hui. »

« Merci Ayano-chan. »

La coureuse était sincèrement reconnaissante de tous les beaux mots et le soutient de son amie. Elle se sentait bien, en paix. Elle se dit que son avenir allait être encore plus radieux maintenant qu’elle avait retrouvé Ayano. En entendant son commentaire quant à l’amour et ses symptômes elle eut un sourire amusé.

« Oui, toi aussi, pendant un temps, tu étais encore plus attachante et dans la lune quand tu étais avec Natsuki. »

Elle fit un clin d’œil à la littéraire avant de la suivre. Elle n’était pas du genre à se mêler de ce qu’il ne la regardait pas, mais lorsqu’on se permettait de la taquiner, elle le rendait avec plaisir.

« Garçon manqué ? Hey, je ne suis pas tant masculine que ça ! J'ai les cheveux long en plus maintenant ! Et, C’est juste que, les robes et les vêtements kawaï ça ne me va pas vraiment. Je n’en ai jamais vraiment porté d’ailleurs. Tu imagines de quoi j’aurais l’air? »

Certes, elle ne portait pas de vêtement mignon, des jupes ou des robes. Mais Kira non plus et personne ne la comparait à un mec. Enfin plus maintenant. Déjà que Lucie l’avait aussi prit pour un garçon lors de leur première rencontre. Elle allait se remettre en question à force.

Terminant d’essuyer la vaisselle, en même temps que son monologue, elle offrit un sourire reconnaissant à son amie. Elle lui rendit son étreinte en la serrant doucement contre elle. Son cœur lui sembla soudainement plus léger.

« Je ne vois pas ce que je pourrais dire d'autre, mais je suis vraiment contente de te voir Ayano. Merci pour tout, je me sens plus légère maintenant. »

Elle serra une nouvelle fois son amie un peu plus fort avant de se reculer doucement. S’appuyant contre le comptoir son sourire se fit plus chaleureux tandis qu’elle plongea son regard dans celui d’Ayano.

« Et toi alors, est ce qu’il t’est arrivé des grandes aventures ? »

« Je te remercie de ton soutient et de ta compréhension ! »
Aiko se courba dans des remerciements exagérés, avant de rire amusé. Ayano lui révéla ne pas avoir été seulement mielleuse avec Natsuki et Aiko releva un sourcil.

« Ah oui ? Qui d’autre ? »

Il lui fallut une seconde de plus pour réaliser ce que son amie sous-entendait. Aiko sentit ses joues s’empourprer légèrement tandis que sa bouche formait un « o ». Elle ne sut quoi dire, sur le coup, alors c’est après un court silence qu’elle enchaina :

« Je ne savais pas… mais, va falloir que tu m’expliques comment ça se fait que tu aies pu gérer deux crush en même temps. J’ai déjà du mal à en gérer un seul, alors dis-moi ton secret. »

C’était une vraie interrogation. Elle trouvait que l’amour était déjà bien assez compliqué avec une personne, alors deux ? Impossible. Elle serait morte de gêne à coup sûr.

« Et je suis très flattée, mais ma sœur et moi, bien qu’on se ressemble, on est aussi très différentes. Alors je suis vraiment surprise de cet aveu.»

Elle se surprenait de continuer cette conversation sans même bafouiller. À croire qu’elle venait de devenir adulte dans la dernière seconde. Mais c’était surement parce qu’il s’agissait d’Ayano, qu’il lui était aussi facile de parler.

« Je suis contente que tu aies pu avoir une amie comme Rika proche de toi. Si je la vois un jour, je la remercierais d’avoir pris soin de toi. Tu es un trésor sur lequel il faut veiller avec bienveillance. Tu mérites ce qu’il y a de mieux dans la vie Ayano-chan. »

Elle accordait toujours un sourire rempli de bienveillance et de tendresse à l’intention de son amie. Elle était triste qu’elle eût une période difficile, mais était sincèrement reconnaissante envers cette fille qui l’avait aidé à reprendre le dessus et être plus épanouie aujourd’hui.