Jour 1 : arrivée chez la drôle de grand-mèreAssise tranquillement dans le train côté fenêtre, elle regardait le paysage qui défilait à grande vitesse et la dépaysait de sa grande ville habituelle. Elle avait tressé ses longs cheveux blonds sur le côté et ils pendaient sur une épaule, jouant avec le bout de ses cheveux comme avec un pinceau fictif venant chatouiller la paume de sa main. Elle était partie tôt ce matin à la gare, si l'idée de s'éloigner deux semaines d'Azami qui venait tout juste de rentrer n'était pas du tout pour lui plaire, celle d'aller voir sa grand-mère, la mère de sa mère à Okayama dans la ville campagnarde du même nom, lui permettrait de souffler un peu. L'année écoulée avait été assez rude, que ce soit à cause des examens du rythme scolaire assez soutenu ou tout simplement socialement parlant, rien n'avait été évident et elle avait accumulé un stress tout au long.
Elle y allait seule, sans Yuna qui était occupée par d'autres projets, sans Azami qui n'avait pas voulu s'imposer chez la vieille dame. Elle était contente de retrouver sa grand-mère, la dernière fois qu'elle l'avait vu en vrai, elle devait avoir 10 ans et là elle en avait 19. Dans ses souvenirs, elle s'en rappelait comme d'une femme très active, toujours très gentille et souriante, elle était très appréciée de ses voisins et voisines et elle allait jouer aux cartes avec ses voisines et amies tout les dimanches. La voix un peu grésillant de l'hôtesse de voyage résonna dans le wagon presque vide pour annoncer le prochain arrêt qui serait le sien. Après une demi-journée de voyage, ce n'était pas trop tôt, la violoniste était heureuse de pouvoir enfin se dégourdir les jambes. Elle serait à la campagne pour se déconnecter totalement du monde moderne, car il n'y avait très peu de réseau et elle n'était pas certaine que sa grand-mère ait fait installer internet.
Elle avait prévenu son entourage de ne pas s'inquiéter si ils n'avaient pas de nouvelles durant plusieurs jours. La blonde allait se limiter à quelques SMS durant ces deux semaines, de toute façon, elle ne voyait pas ce qu'il pouvait se passer d'extraordinaire dans un village si reculé où il n'y avait que de petits retraités paisible qui se connaissaient tous. Le train s'arrêta et Keiko se fit aider d'un voyageur pour descendre sa valise à la hauteur de son séjour du wagon, le remerciant poliment en se courbant comme il se devait. Elle sentit un coup venir claquer contre ses fesses et bondit en avant en venant se les tenir, se retournant vivement prête à agresser celui qui avait osé et tomber sur le visage taquin d'une grand-mère, sa grand-mère plus particulièrement.
Elle baissa les yeux vers elle pour la regarder, la redécouvrir après presque une décennie sans la voir. Elle avait vieilli, mais ses traits étaient toujours rieurs et bienveillants. A l'époque, elle lui arrivait à l'épaule, mais à présent, elle la dépassait de quelques-centimètres. Elle avait l'air en forme que ce qu'elle avait imaginé et surtout qu'est-ce qu'elle faisait là ? L'étudiante avait pensé devoir se débrouiller seule avec les transports en commun pour trouver la maison de sa grand-mère en tirant sa valise derrière-elle et en galérant pendant plusieurs heures.
- Alors ? Je dois attendre dix ans de plus avant que ma chère petite-fille ne daigne me serrer dans ses bras ?
- Pardon O bāchan ! Je suis contente de te revoir ! Mais que fais-tu ici ?
- Je viens chercher ma petite-fille voyons ! Tu croyais quand-même pas que j'allais te laisser te perdre dans la campagne ? Tu es devenue tellement belle que tu vas te faire arrêter par tout les garçons des alentours ! Je ne prends pas le risque ! Allez vient ! On a encore de la route ! Puis Michiko mon amie va être contente de te rencontrer ! Je lui ai parlé de toi !Keiko allait saisir sa valise, mais c'était sans compter sur la vivacité de la soixantenaire qui la souleva comme de rien pour commencer à la porter.
- A .. attends ! O bāchan ! Je vais le faire ne t'inquiète pas !
- Non ! Mais et puis quoi encore ? Tu es mon invitée ! Tu me prends pour une de ses grand-mère à l'article de la mort ? Sâche que j'ai beau avoir 62 printemps je fais ma marche matinale tous les jours ! C'est pas une valise qui arrivera à bout de moi ma petite ! Mais je dois avouer que tu tiens bien de ta mère ! Elle aussi elle a toujours des valises deux fois plus lourdes qu'elle ! Toutes les deux vous tenez de Ichiro, mon cher mari était aussi du genre à emporter tout et surtout n'importe quoi avec lui dès qu'on partait quelque-part ! La blonde suivit sagement sa grand-mère, quel numéro ! Dire qu'Azami n'avait pas voulu venir avec elle afin de la ménager, voilà qu'elle se retrouvait avec une vieille dame hyper-active. Les pas de l'étudiante la menèrent face à un 4X4 énorme de couleur noir et elle en fit le tour s'attendant à voir une petite automobile qui devait avoir passé plus de contrôle et de révision qu'elle dans toute sa vie. Elle vit la grand-mère ouvrir la porte, s'aider d'un marche-pieds qui s'était déplié pour grimper littéralement à la place conducteur. La surprise se lu sur le visage de la mi-japonaise et elle refit le tour pour venir s'asseoir à la place passager avant.
- Woaw ! O bāchan ! Je ne savais pas que tu conduisais ! Cela fait longtemps ?
- Ça commence à remonter ! J'avais 23 ans quand j'ai passé mon permis ! J'en avais marre d'attendre ton grand-père pour me conduire partout ! Alors j'ai été m'inscrire pour le passer, à l'époque ça avait fait un sacré remue-ménage qu'une femme décide d'apprendre à conduire ! Tes arrières grands-parents avaient été jusqu'à me dire que c'était pas à une femme de se mettre à cette place ! Mais j'ai persévéré et ça m'a été utile surtout avec ta mère toute petite ! Racontant cette anecdote, elle avait tourné la clef pour faire ronronner le moteur et ensuite se mettre en route. La blonde avait l'impression de redécouvrir une toute autre femme que ce que son imagination lui avait faire croire durant toutes ces années. Le trajet en voiture sembla passer en un éclair, c'est que sa grand-mère en avait des anecdotes à raconter, elle ne s'arrêtait de parler que pour écouter les réponses de Keiko à ses questions.
La ferme de ses grand-parents, les yeux gris d'acier fut content de redécouvrir cette petite bicoque tout ce qu'il y avait de plus simple avec une clôture sur le devant. C'était bien la seule chose qui était restée la même dans ses souvenirs, au moins toutes ses idées n'étaient pas totalement bousculées. Lorsqu'elle entra, le parfum caractéristique d'un bon petit-plat mijoté et mitonné avec amour lui emplit les narines et elle respira à grand-coup en laissant échapper un bruit de contentement.
- Va donc mettre tes affaires dans la chambre au fond du couloir du premier étage, c'était la chambre de ta maman avant qu'elle ne parte faire sa vie d'adulte, tu vas y séjourner pendant deux semaines, ensuite tu peux te laver les mains, moi je vais m'occuper de servir ! Tu dois être affamée !La blonde n'était pas si affamée que la vieille dame semblait le penser, mais il était vrai qu'elle n'avait pas mangé énormément durant son voyage, les bentos à emportés ne l'avait pas attiré et les biscuits qu'elle avait fait avec Azami la veille avaient fait office de petit-déjeuner. Elle aurait tellement aimé partager cela avec elle, ce serait pour une prochaine fois. Elle entra dans la chambre qui lui serait dédiée, ça sentait bien la décoration vintage d'une ados de 20 ans. Hinata, sa mère n'avait que 20 ans lorsqu'elle s'était mariée avec son père et l'avait eu, elle venait de fêter son anniversaire en juin pour se marier début juillet de cette même année et Keiko était née en avril.
Elle déposa sa valise sur le lit pour l'ouvrir et sursauter laissant un petit cris de surprise s'échapper en voyant une boule de poil totalement noir sortir de sous le sommier pour filer entre ses jambes et descendre les escaliers. Qu'est-ce que c'était que ce truc ?
- ça va Keiko ? Mon chat t'a fait peur ? J'ai oublié de te prévenir qu'il était souvent planqué dans cette chambre ! Ne t'inquiète pas ! Il est gentil ! Enfin tant qu'il n'essaie pas de te tuer pendant que tu dors ! Merci O bāchan, elle avait bien faillit lui faire avoir un arrêt cardiaque, mais la stupeur passée, la blonde avait continué de ranger ses vêtements et ses chaussures dans la commode vide avant d'aller se laver les mains et de descendre. Elle n'avait pas eu à mettre la table, tout était déjà prêt. Les assiettes étaient déjà servies et fumait encore de leur contenu. Un repas typique japonais loin des clichés du riz, poissons grillés, soupe miso, il s'agissait d'un Takomeshi autrement dit, du riz au poulpe. La textures particulière du poulpe n'était pas ce dont Keiko raffolait, mais elle fut plutôt surprise de se retrouver avec quelque-chose de fondant et non de mâcheux et caoutchouteux en bouche. Elle termina rapidement son assiette pendant que sa grand-mère la regardait en souriant.
- mmm ! O bāchan ! C'est délicieux ! Comment tu as fait pour que ça soit si fondant ?
- C'est un secret ! Ta mère m'a dit que tu cuisinais très bien ! Alors je te montrerais ma recette durant ces vacances et après tu pourras la transmettre à ton tour à tes enfants et petits-enfants ! N'oublie pas que les hommes sont séduits par les femmes qui gagnent leur estomacs avant leur cœur ! Keiko lui fit un grand-sourire, même si la dernière partie de son explication la gênait un peu. En effet, elle n'avait encore dit à personne dans sa famille mis à part sa sœur qui partageait son penchant qu'elle était amoureuse d'une femme. Elle ignorait comment poser les mots sur un tel tabou, son père exposerait de colère surtout que l'élue de son cœur était Azami et que les deux ne s'appréciaient pas du tout mutuellement, sa mère serait très probablement déçue et sa grand-mère, elle, était progressiste, mais c'était pas des choses courantes de son temps. Elle ne savait pas trop comment elle aurait abordé ce sujet, ce n'était peut-être pas une mauvaise chose que la peintre ne l'ai pas accompagné durant sa visite. Elle aurait été incapable de faire comme-ci elles étaient simples amies, la professeures aurait pu parfaitement faire illusion parce qu'elle était habituée à mettre un masque avec sa famille.
L'étudiante n'avait pas envie de vivre cachée, elle l'avait fait durant deux années à ne pas admettre les sentiments qu'elle avait pour l'artiste de la famille des Tamura et à présent, elle n'imaginait pas devoir jouer la comédie avec ses proches juste pour coller à l'image qu'on se faisait d'elles. Elle ne voulait pas qu'Azami agisse en publique comme une simple amie, elle voulait pouvoir lui prendre la main, entrelacer leurs doigts, la prendre par les hanches, l'embrasser sans devoir constamment regarder derrière-elle pour voir si quelqu'un les surprenaient. Elle avait énormément réfléchis à cela durant cette année où elles ne s'était pas vues. A l'académie, pour le bien d'Azami, aucun rapprochement ne pouvait avoir lieu, mais lorsqu'elle la voyait en dehors, elle n'hésitait jamais à l'embrasser et avait l'impression de jouer avec le feu. Elle l'avait dit à ses deux meilleures amies parce qu'il n'y avait qu'avec elles qu'elle pouvait en parler librement sans peur de se faire juger, sans jalousie ou autre. Elle adorait les soirées qu'elles passaient à parler d'amour et quelque-fois même les anecdotes devenaient tellement hot que Keiko qui n'avait encore rien tenté de la sorte devenait toute rouge et enfouissait son visage dans un coussin avec gêne. Yuna était également au courant, mais elle ignorait toujours si sa sœur tolérait cette relation pour lui faire plaisir quand elle était là, elle ne savait pas ce qui pouvait se passer dans sa tête, ni les disputes qu'il pouvait y avoir entre Azami et sa petite sœur.
Une main qui bouche ses yeux la fit se redresser et revenir à elle alors qu'elle était plongée dans ses pensées et un peu dans la lune.
- Tu étais loin ! Alors ? A qui tu pensais ainsi ? Ton regard ne peut pas tromper ta vieille grand-mère! Toi ! Tu es amoureuse et tu me fais des cachotteries ?
- Mais non ! O bāchan ! Je suis trop jeune ! Et puis je suis très occupée et je n'ai pas le temps pour cela ! Il n'avait fallut que quelques minutes pour que les soupçons de sa grand-mère pèse sur ses épaules, Azami avait totalement raison lorsqu'elle lui disait que tout le monde pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. La musicienne devait à tout prix travailler cela que ce soit pour sa future image professionnelle, mais surtout parce qu'elle aimait avoir son jardin secret.
- à d'autre ! Ta mère me faisait ce genre de regard à ton âge et deux mois après elle m'annonçait ses fiançailles avec ton père.
- Je n'ai personne ! Je vais voyager partout dans le monde quand je serais une célèbre violoniste alors je ne peux pas penser à l'amour ! La grand-mère ne parut pas du tout convaincue par le mensonge de sa petite-fille, mais pour l'heure et compte-tenu que le voyage avait été long, elle la laissa tranquille et n'aborda plus le sujet. L'étudiante savait que ce n'était que partie remise et qu'il allait falloir trouver une autre excuse que la longueur du voyage pour rester évasive sur le sujet. La dame d'un certain âge n'était pas prête à la lâcher de sitôt.
Une fois le repas terminé et la vaisselle faite avec sa grand-mère qui continuait de lui raconter les projets qu'elle avait pour leur deux semaines de vacances ensemble. Keiko était enthousiaste de ces deux semaines de vacances, la vieille dame avait su piquer sa curiosité et éveiller son envie d'aventure. Un bon bain bien chaud pour la détendre et une partie de majhong plus tard et voilà qu'elle était dans son lit à regarder le plafond avec un vieux chat noir qui la regardait du haut de la garde-robe avec des yeux de psychopathe. La blonde remonta le couvre lit jusqu'en dessous de son nez au cas où il prendrait l'idée à cet animal de lui bondir dessus en pleine nuit pour l'égorger. Elle s'endormit bien vite, le sommeil en pleine campagne n'avait pas la même qualité que celui en pleine ville. Il n'y avait que le son des oiseaux, des cigales d'été, pas de bruits de moteur ou de lumière parasite pour venir troubler vos songes.
- la grand-mère: