Langues en fleurs et détente dans le jardin zen (FT SARA)

À l’ombre des feuillages des cerisiers, qui frémissaient doucement lorsqu’une légère brise venait les titiller, la température était douce et plus agréable qu’en plein soleil. L’été se faisait chaud et il aurait été tentant de rester à l’abri, à profiter de l’air climatisé. Cela aurait été toutefois dommage, de ne pas profiter de ce petit redoux, pour prendre un bol d’air et profiter de la beauté de la nature. Le jardin zen était l’endroit idéal pour se ressourcer, mais aussi apporter une atmosphère calme et permettre aux cerveaux actifs de travailler dans des conditions optimales. Et autant dire qu’Aiko avait actuellement besoin de toute la concentration dont elle pouvait faire preuve.

« Es ist ein schöner Tag. (C’est une belle journée). »

Cela faisait au moins dix fois qu’Aiko répétait cette phrase après la cavalière. Elle devait sérieusement travailler sa prononciation. Sara disait la phrase, Aiko l’écoutait, pensait la comprendre, mais en la répétant cela ressemblait davantage à ça :

« Esu ist einu schounelu Tagu. »

Elle se sentait frustrée, c’était comme si sa langue ne voulait pas coopérer. Mais cela la faisait rire également. Plus elle essayait, plus elle semblait fatiguée et donc plus apte à se tromper et à rire. Elle se laissa tomber en arrière et s’allongea sur la couverture sur laquelle elles avaient élu domicile pour pic niquer, à l’ombre d’un gros cerisier. Leur période de floraison était terminée depuis des mois, mais même juste couvert de feuille, cet arbre restait majestueux. Un peu plus loin, on pouvait entendre le ruissèlement de l’eau du ruisseau qui traversait le parc.

Les yeux de la Japonaise se posèrent sur l’Allemande qui était restée assise à côté d’elle et qui semblait amusée que leur rôle soit inversé. Aiko lui fit un sourire en retour, elles avaient passé les dix dernières minutes à rire de leur accent respectif et à les exagérer.

« Je pense que c’est le temps de prendre une pause ! »

Sara était patiente et encourageante avec Aiko. Cette dernière était contente de la retrouver. Avec les derniers évènements, elle n’avait pas eu beaucoup l’occasion de voir la cavalière, et avait même dû annuler quelques-uns de leur cours. Sara lui avait aussi proposé quelques fois de sortir, mais Aiko avait souvent décliné. Elle avait eu besoin de temps pour elle, pour faire son deuil et pour gérer le fait qu’elle voyait plus souvent Sleïlo. Passer à autre chose c’était plus difficile lorsque l’on devait prendre soin de celle qui faisait autrefois battre son cœur. Elle avait également voulu passer plus de temps avec Ayano et avancer aussi sur le chantier de la maison avec sa sœur. En plus des cours, du travail et des entrainements, elle n’avait pas eu un instant pour souffler.

Elle était contente de pouvoir le faire aujourd’hui en compagnie de Sara. Elle lui avait manqué. Elle se sentait un peu bête de penser cela, alors que malgré qu’elles aient passé un peu moins de temps ensemble, elles continuaient de se croiser régulièrement à l’académie et au réfectoire. Elle était simplement contente de pouvoir relaxer un peu. Même si au travers de la relaxation elle étudiait ardemment la langue maternelle de son amie tout en lui apprenant la sienne. Ce n’était pas une tâche trop difficile. Les deux jeunes femmes commençaient à bien se connaitre et leur complicité rendait leur moment d’études agréable.

L’athlète regarda sa comparse s’allonger à ses côtés et l’imita quand cette dernière ferma les yeux. Aiko en profita pour calmer et vider son esprit qui fonctionnait à cent à l’heure en permanence. Après un assez long moment, elle sentit quelque chose lui frôler la main et elle ramena celle-ci sous sa tête, pensant qu’il s’agissait d’un insecte. Elle se tourna sur le côté pour faire face à Sara qui s’étirait. Leurs regards se croisèrent et Aiko crut percevoir un léger trouble dans celui de la cavalière. Elle allait pour lui demander ce qui la tracassait, mais elle fut interrompue par la question que lui posait Sara.

« La meilleure façon de le savoir, c’est de le constater par nous-même. »

C’était déjà la fin de l’après-midi. Les deux camarades avaient pique-niqué le midi et travaillé tout l’après-midi. Il leur restait suffisamment de nourriture pour leur faire un second repas. Aiko n’avait aucune obligation ce soir, alors cela ne la dérangeait pas de rester encore quelques heures sur place.

« On peut rester ici jusqu’à voir si elles apparaissent. À moins que tu doives retourner voir Fantaisie ? »

La cavalière était allée s’occuper de sa jument avant de venir au jardin. Aiko savait toutefois que Sara aimait pouvoir passer, et à raison, le plus de temps possible avec sa jument.

« Tu as demandé à Kiralee de s’occuper de ta jument ? »

Aiko était vraiment surprise de cette information. À sa connaissance, Kiralee n’y connaissait absolument rien en cheveux. De plus, Sara ne faillit jamais à sa tâche de prendre soin de Fantaisie. La Japonaise savait à quel point la jument était chère au cœur de son amie. Elle était donc vraiment surprise qu’elle l’ait confié à quelqu’un d’autre. À Kiralee qui plus est.

« Je ne savais pas que tu étais devenue proche de Kira au point de lui faire confiance comme ça. Je sais qu’elle est largement capable de te rendre se service, mais quand même. Ce n’est pas ton genre de ne pas faire passer Fantaisie avant tout. »

Aiko ne voulait pas juger son amie. En réalité elle trouvait seulement cela étrange. Elle espérait que la jeune femme allait bien. Posant son regard sur elle, elle prit le temps de l’observer. Elle avait l’air de bien aller, elle était peut-être seulement un peu fatiguée. Elles avaient travaillé pendant de longues heures et la journée était chaude.

Les yeux de la Japonaise se posèrent ensuite sur la main de l’Allemande qui venait de déposer ses doigts sur les siens. Elle sentit son cœur s’emballer un peu, mais ne prit pas la fuite. Elle tourna doucement sa main pour laisser leurs doigts s’entrelacer. Ce n’était pas la première fois que les deux amies se tenaient ainsi la main. Pourtant, ce contact faisait toujours un effet spécial à Aiko. Mais elle ne voulait pas se prendre la tête avec cela. Ce contact était agréable et elle voulait simplement en profiter sans se poser des milliers de questions. Peut-être que Sara avait simplement besoin de ça comme réconfort. Si elle en avait besoin, alors Aiko lui donnerait sans poser de question. Si Sara avait besoin de lui parler de ce qui la tourmentait, alors elle le ferait. En tout cas, Aiko espérait que la cavalière lui ferait assez confiance pour lui confier ses soucis.

La fin de l’après-midi se passa dans le calme. Aiko aurait pu facilement s’endormir, mais ne le fit pas. Elle s’était contentée d’observer la brise faire danser les branches du cerisier qui les surplombait. Elle laissait aller ses pensées. Elle pensa un instant à Silver, l’imaginant courir dans les nuages qui étaient aussi blancs que son pelage. Elle avait des remords. Elle savait que c’était idiot, mais elle s’en voulait de ne pas avoir été le voir plus souvent. Ce n’était pas son chien et pourtant… elle avait vécu avec et s’en était occupée pendant quatre ans. Il avait été son partenaire de course, son confident aussi et l’avait réconforté plus d’une fois. Et elle… elle n’avait même pas eu le courage de venir le voir plus souvent. Certes c’était compliqué avec Sleïlo, mais Aiko savait que l’Australienne ne l’aurait jamais empêché de venir voir son chien. Non, elle avait été lâche.

Il ne servait à rien de se morfondre, mais elle n’avait pas encore pris le temps d’y penser. Parce que ça faisait trop mal encore. Ce n’était toutefois pas le moment de se laisser aller. Elle ferma un instant les yeux et prit une grande inspiration. Les nuages finirent par laisser leur place au ciel étoilé et les lucioles pointèrent enfin le bout de leur nez. Aiko eut un sourire en coin en admirant le spectacle.

« Regarde Adana-chan, on dirait que tu viens d’avoir la réponse à ta question. »

Aiko offrit un sourire amusé et sincère à son amie avant de lâcher sa main et de se redresser en position assise. Elle observa le spectacle qui s’offrait à elles avec des yeux brillants d’émerveillement. Doucement, elle attrapa une luciole proche, sur le bout de son doigt. Elle ramena avec lenteur pour que Sara puisse la voir aussi.

« C’est magnifique. »

La luciole finit par s’envoler et rejoindre ses congénères, continuant de leur offrir un spectacle ravissant. Les filles décidèrent de manger en profitant du spectacle nocturne. La lune était ronde leur offrant ainsi suffisamment d’éclairage pour qu’elle n’ait pas besoin d’en rajouter. Aiko mordit dans un onigiri. Elle avala ensuite sa bouchée avant de répondre à la cavalière.

« Oui, ils sont très bons. Bien joué ! »

Une fois le ventre plein, Aiko s’appuya sur ses mains placées derrière son dos et continua d’observer les lucioles. Un sourire serein s’affichait sur son visage. Elle était heureuse de pouvoir passer du temps avec Sara. Cela faisait un moment que ce n’était pas arrivé et ça lui faisait du bien de retrouver la cavalière.

« Est-ce que tu as pu cocher d’autres cases dans la liste des choses que tu dois faire au Japon ? Voir des lucioles en pleine nuit dans un jardin zen en faisait-il partie ? »

Aiko n’avait pas oublié cette liste et espérait qu’il reste encore des choses à faire, afin qu’elle puisse encore partager de beaux moments avec son amie. Elle se sentait déconnectée du monde en sa présence et cela lui faisait le plus grand bien. Son regard suivait les insectes qui clignotaient dans la nuit.

« Hotaru. »

Son regard se posa à présent sur la cavalière et son sourire se fit plus doux. Oui, ça lui allait bien.

« Je viens de te trouver un vrai surnom. »

Son regard était plongé dans les yeux dorés et pendant un instant, elle se sentit perdre pied. Ses yeux descendirent quelques centimètres plus bas et son cœur s’affola. Son corps voulait bouger, se pencher. Une luciole lui passa juste devant les yeux et la fit reculer brusquement. Elle retourna sur Terre subitement et détourna le regard, sentant ses joues devenir chaudes. Une chance qu’il faisait noir. Elle se ressaisit et se concentra à nouveau son attention sur le spectacle nocturne. Elle ignora son cœur qui s’affolait, elle n’avait pas besoin de ça, elle devait simplement profiter de la sérénité du moment.

« Une proposition qui t’a intrigué ? »

Pour le coup, Aiko l’était tout autant, intriguée. Peut être que sa curiosité était mal placée, mais elle était piquée au vif. Elle se demandait bien ce que ses deux amies pouvaient bien manigancer ensemble.
Sara lui assura qu’elle allait bien et la Japonaise en fut sincèrement soulagée. Elle ne s’attendait toutefois pas à ce que la lueur dans le regard doré de la cavalière change pour devenir incroyablement doux. Pas que l’Allemande ne soit pas capable de douceur, mais Aiko n’avait que peu observer un tel regard de la part de son amie.

Ses paroles lui allèrent droit au cœur et ce dernier avait changé de rythme. Elle le sentait s’emballer alors que ses prunelles sombres restèrent accrochées à celles dorées.

« Je suis heureuse d’être avec toi aussi Adana-chan. Je compte bien t’aider à cocher toute ta liste si tu souhaites ma compagnie. »

Elle lui adressa un sourire rayonnant et chaleureux. Sa main se tourna pour entrelacer ces doigts avec ceux de la cavalière. Elle la serra doucement, comme pour sceller sa promesse. L’instant d’après, son sourire s’estompa pour laisser place à la surprise. Elle ne s’attendait pas à ce que l’Allemande se rapproche ainsi. Les pensées d’Aiko se mêlèrent et elle sentit tout son être se réchauffer en même temps que son visage qui vira au rouge. Ses paroles, sa proximité, sa main qui semblait trembler légèrement. Aiko ressentit une multitude de sensations qu’elle avait oubliée. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie ainsi. Ce n’est que lorsque Sara se recula qu’Aiko se rendit compte qu’elle avait retenu son souffle.

Elle perdait le contrôle. Elle était candide, mais pas idiote. Elle comprenait ce qu’il se passait. Les mots de son amie. Les sentiments qu’elle ressentait. Son premier réflexe lui donnait envie de prendre la fuite. Elle s’était promis de prendre du temps pour elle, de ne rien rechercher et d’avancer seule. Elle avait cependant baissé sa garde. Elle se sentait bien et en sécurité avec Sara. Les deux jeunes femmes avaient appris à se connaitre et avaient développé un lien de confiance. Était-elle prête à mettre en péril cette amitié ?

Elle n’en servait rien. Mais elle savait que la cavalière était tout autant spéciale à ses yeux. Plus elle apprenait à la connaitre et plus elle avait envie de passer du temps avec et de la découvrir davantage.
Elle profita de perdre le contact visuel avec Sara pour reprendre ses esprits. Peut-être qu’elle se faisait encore des idées après tout. Dans sa tête, elle entendait les mots que Kiralee lui avait déjà dits « Espèce de lâche, t'as tellement la trouille de souffrir à nouveau que tu préfères fermer les yeux ! Mais si tu continues à les fermer, tu vas laisser passer ta chance ». Elle avait raison, elle se laissait bien trop aveugler par le déni ces derniers temps, parce qu’elle craint de souffrir encore une fois.

Elle ne pouvait plus prendre la fuite. Elle ne pouvait pas blesser Sara et s’autoflageller une nouvelle fois. Non. Elle devait arrêter de se cacher et profiter de ce lien si particulier qu’elle développait avec la cavalière. Elle devait cesser de culpabiliser et s’autoriser à être heureuse à nouveau.

Elle s’allongea à son tour sur le côté pour faire face à Sara. Cette dernière semblait perdue dans ses pensées. Elle l’observa silencieusement et capta son regard lorsqu’elle s’adressa à elle. Les lèvres d’Aiko s’étirèrent doucement et son pouce caressa lentement la main de la cavalière.

« Tu es spéciale pour moi aussi Sara. Tu ne le sais pas, mais tu m’aides constamment. Je me sens davantage heureuse depuis que je t’ai rencontré. »

Elle ne s’était toutefois jamais confiée à la cavalière concernant son ancienne relation, son cœur brisé, la mort de Silver… Et toutes les étapes qu’elle avait franchies pour remonter la pente. Elle passait toujours du bon temps avec l’Allemande qui l’aidait grandement à se changer les idées. Elle ne voulait pas plomber l’ambiance en se confiant, mais en même temps, elle se disait que Sara devrait être au courant. Si elle voulait que leur relation évolue, il allait falloir qu’elle se livre à la cavalière à un moment ou un autre.

« À vrai dire, ça n’a pas vraiment été facile pour moi ces dernières années, ni ces dernier mois. Mais depuis que je t’ai rencontré, j’ai l’impression de pouvoir respirer à nouveau. Tu m’as aidé à surmonter ma peine et m’alléger le cœur. Je te remercie pour ça. »

« Je ne savais pas que tu étais si mystérieuse Adana-chan. »

Elle lui tira la langue pour la taquiner. Elle se demandait bien qu’elle pouvait bien être ce projet secret, mais elle n’insistera pas plus. Sara lui avait dit qu’elle finirait par le savoir, alors, elle resterait patiente.
L’athlète se sentit rougir et son cœur sembla bondir de joie dans sa poitrine en entendant les mots de Sara. Cela lui réchauffa l’âme et lui fit un grand bien. Même si elle ressentait aussi une certaine gêne timide, n’ayant pas l’habitude que quelqu’un se préoccupe d’elle aussi sincèrement. Elle avait bien des amies et une sœur qui le faisait, mais c’était loin d’être comparable. Sara était en train de lui ouvrir son cœur d’une manière différente, plus intime. Et elle n’attendait rien en retour, elle laissait Aiko prendre le temps d’assimiler ses mots, elle lui laissait l’espace aussi et le choix. Lui promettant d’être toujours là même si ses sentiments n’étaient pas partagés. Elle privilégiait le bonheur d’Aiko et leur amitié avant tout.

« Ensemble », ce fut ce mot qui la chamboula. Cela faisait longtemps qu’elle était seule, malgré la présence de sa sœur et de ses amies. Elle s’en rendit compte en entendant cette simple déclaration, qui semblait sincère et naturelle. Elle avait été en couple avec Sleïlo, mais avait-elle eu cet « ensemble » ? Elle se souvenait de l’avoir aimé éperdument, d’avoir été chamboulée par sa présence dans sa vie et d’avoir souvent perdu ses moyens. Sleïlo avait été présente pour elle, mais tout allait bien à l’époque. C’est quand elle était partie pour revenir qu’elle s’était retrouvée seule et avait fini par se rendre compte que ce qu’elles étaient n’existait plus et n’existerait plus.

Aiko était profondément émue par la présence de Sara et sa compréhension. Elle se sentait en sécurité. Elle sentait qu’elle pouvait lui faire confiance. Elle pouvait lâcher prise et avance à ses côtés.

« J’ai été en couple pendant pratiquement 6 ans. C’était mon premier amour. J’ai fait un choix merdique, de partir, sans rien lui dire. Parce que je ne voulais pas qu’elle se retrouve dans mes problèmes avec mes parents. J’ai fini par me rendre compte de ma bêtise après 6 mois à essayer de mener une vie qui ne me convenait pas. Kiralee m’a aidé à sortir de là. Quand je suis revenu, j’avais d’abord trop honte pour me manifester. Alors je me suis fait héberger chez Kiralee et je me suis mise à travailler. Pour ne pas revenir chez mon ex sans rien et ne pas être un boulet pour elle. J’ai attendu de me relever pour être pleinement prête à me battre pour elle. Mais on s’est croisé par hasard et ça l’a complètement chamboulée. J’ai essayé de recoller les morceaux. Je souhaitais de tout mon cœur que tout redevienne comme avant. Mais elle m’a reproché mon absence sans nouvelle, mon retour sans me manifester à elle… je l’ai profondément blessée, surement trop pour qu’elle puisse un jour pleinement me pardonner. Je suis restée présente tout de même, je voulais lui montrer que j’étais là et prête à me battre. Mais elle n’a jamais rien fait ou dit qui pouvait montrer qu’elle voulait se battre aussi. Dans le journal de l’école, on a commencé à dire que j’étais revenu dans le but de la harceler. J’ai pris mes distances. En suivant les conseils de mes amies, j’ai attendu que Sleïlo m’envoie un signe, fasse un pas vers moi qui me montrerait que j’ai raison de me battre, que je pouvais vraiment réparer mon erreur et être pardonnée. Mais un tel geste n’est jamais venu. Alors j’ai commencé à me faire une raison. Je me suis dit que je devais me tenir à l’écart, prendre du temps pour moi et me protéger. Puis je t’ai rencontré, et ça m’a aidé à tourner la page et à passer à autre chose. »

Des larmes s’étaient formées dans ces yeux, tandis qu’elle repensait à tout cela. Elle se sentait idiote d’être encore autant émotive, alors qu’elle était supposée avoir tourné la page. Elle avait l’impression que son erreur n’arrêterait jamais de la hanter. Pourtant, elle voulait vraiment passer à autre chose.

« Les choses se sont vraiment améliorées dernièrement, je me sentais réellement heureuse. Mais récemment, Silver, le chien de Sleïlo, est décédé. Il a été mon chien aussi pendant cinq ans… alors… ça m’a vraiment secoué tu comprends… elle ne m'a rien dit, car elle était beaucoup trop chamboulée, mais j’ai eu un pressentiment alors je suis allé la voir. J’essaye de l’aider du mieux que je peux en lui faisant son épicerie et en l’aidant avec ses tâches ménagères, c’est pour cela que dernièrement je n’ai pas été très présente. »

Sa gorge s’était serrée, rendant sa voix tremblante. Elle prit un instant pour sécher ses larmes et reprendre le contrôle de ses émotions. Elle n’avait aucune envie d’attiser la pitié de Sara. Elle plongea toutefois son regard sombre dans les prunelles dorées et y puisa du courage pour continuer à lui confier ce qu'elle avait sur le coeur.

« Je suis vraiment bien avec toi Sara. Mais en même temps je suis terrifiée par ce que je commence à ressentir pour toi. Parce que, j’ai peur de souffrir à nouveau et de ressentir toute cette peine et cette douleur que j’ai ressentie… »

Aiko se laissa étreindre par Sara, sa tête allant se poser sur l’épaule de la cavalière. Ce simple geste lui fit un grand bien. La chaleur qu’émanait le corps de l’Allemande, ainsi que son odeur apporta un grand réconfort à l’athlète. Elle se sentait en sécurité et pendant un instant, avait l’impression d’être dans une bulle coupée du monde. Son esprit sembla se détendre et arrêta de la tourmenter. Son rythme cardiaque reprit sa course habituelle et calme.

C’était comme ci Sara venait d’absorber tout ce qui tourmentait la Japonaise. Ses mots et ses gestes touchèrent profondément Aiko. Même si à cet instant elle savait qu’elle ne pouvait plus nier à quel point sa camarade était spéciale pour elle. Elle ressentait ce sentiment de sécurité qu’elle avait avec Ayano, celui d’être comprise comme avec Natsuki et également le soutien sans jugement qu’elle ressentait en présence de Kiralee. Et pourtant, avec Sara, tout lui semblait très différent. En sa présence, elle ne ressentait plus aucun stress, aucune inquiétude, si ce n’est de perdre ce lien spécial. Elle se sentait tout simplement bien, elle se sentait à sa place.

Sa main libre alla s’agripper doucement sur le haut de la cavalière, tandis que son visage alla s’enfouir dans son cou. Aiko ferma les yeux et se laissa transporter par cette étreinte qui semblait être le remède à ses maux. Elle avait l’impression de se reposer pour la première fois depuis longtemps. Elle aurait aimé pouvoir arrêter le temps et rester ainsi, loin de tout stress.

« Est-ce qu’on peut rester comme ça pour toujours ? »

Elle savait bien que non malheureusement. Toutefois, Aiko grava dans sa mémoire cet instant. Elle s’imprégna de l’ambiance du jardin, des mots de Sara et de son étreinte. Elle savait qu’ainsi, si elle se sentait à nouveau mal, elle n’avait qu’à repenser à cet instant pour retrouver la paix.

Elle garda le silence. Profitant encore un moment de ce moment si particulier. La vie pouvait parfois être surprenante et Aiko prenait conscience qu’elle avait encore sa chance de partager quelque chose de spécial avec quelqu’un. Il suffisait qu’elle se fasse confiance et qu’elle fasse confiance à ses sentiments. Kiralee et Ayano le lui avaient déjà dit « Ne te prends pas la tête, et laisse les choses se faire naturellement ». Elle comprenait maintenant. Et elle avait envie de se laisser aller avec l’Allemande. Sans se presser, sans se mettre de pression. Elle voulait simplement profiter de l’instant et continuer à développer leur lien si précieux et particulier.

« Merci Sara. »

Son remerciement était rempli de reconnaissance et de sincérité. Elle se sentait réellement plus légère à présent. Elle le sentait au fond d’elle, avec la cavalière à ses côtés, elle n’avait plus rien à craindre. Quel que soit son futur, elle profiterait de l’instant présent avec joie. Elle ne voulait plus rien manquer.

Bercée pas la chaleur et les caresses de Sara, Aiko se sentait tranquillement sombrer au pays de Morphée. Son esprit était en paix et son cœur avait repris son rythme habituel. Elle aurait pu facilement s’endormir, mais c’était sans compter sur la décharge électrique quelle ressentie dans tout son corps, alors que les lèvres de l’Allemande se déposèrent doucement sur son front.

Malgré elle, ses joues s’empourprèrent instantanément et elle sentit son cœur repartir de plus belle. Le contact n’avait pas été déplaisant, mais elle ne s’y était pas attendue et était déstabilisée. Croiser le regard de Sara ne fit qu’augmenter sa gêne et elle détourna le sien, le visage encore plus brûlant. C’était automatique, elle n’était pas capable de gérer le tourbillon de sentiment qu’avait provoqué ce simple contacte. Elle était irrécupérable.

Elle resta tout de même contre la jeune femme et alla enfouir son visage fiévreux une nouvelle fois dans son cou, mais cette fois ce fut pour cacher sa gêne. Quand elle eut réussi à se calmer un peu elle regarda à nouveau la cavalière avec des yeux faussement courroucer.

« Ce n’est pas gentil de profiter que ma garde soit baissée pour me perturber comme ça. »

Évidemment, elle n’était pas vraiment fâchée. Elle était encore gênée, mais n’en voulait pas à l’Allemande pour cela, au contraire. C’était simplement sa façon de camoufler son embarras en taquinant Sara.

Son regard sombre se perdit une nouvelle fois dans celui doré de la cavalière. Elle se sentit perdre pied une nouvelle fois. Un flot de pensées lui traversa l’esprit, mais elle les chassa et reprit le contrôle. Elle brisa le contact visuel et balaya une nouvelle fois le jardin et son cadre enchanteur. Elle posa ensuite les yeux sur les aiguilles de sa montre et grimaça.

« Nous devrions rentrer avant de manquer le couvre-feu et de nous attirer des ennuis. »

Elle avait beau passer une nouvelle fois une bonne soirée en compagnie de sa camarade, elle restait à cheval sur les règles. Puis cela lui permettrait de ne pas se mettre davantage dans l’embarras face à l’Allemande. Elle avait besoin de prendre un peu de recul et de penser à tout ça sans croiser le regard de Sara. Une fois seule dans sa chambre, elle pourrait laisser aller ses émotions plus librement.
Elle se redressa avant de se lever de la couverture. Elle lissa ses vêtements avant de tendre sa main à la cavalière en lui adressant un sourire tendre. Une fois les jeunes femmes sur leur pied, Aiko ramassa leurs affaires avec l’aide de sa camarade. Elle glissa ensuite sa main dans celle de la cavalière et entrelaça leurs doigts, avant de lui offrir un sourire serein et rayonnant.

« Gehen wir rein. » (Rentrons.)

La Japonaise raccompagna ensuite la cavalière jusqu’à la porte de sa chambre. Le cœur battant à nouveau la chamade, elle se mit un coup de pied au cul pour venir serrer la jeune femme dans ses bras, au lieu de rester bêtement planté devant elle à la regarder dans le blanc des yeux. Elle se sentit même pousser des ailes et se permit de déposer un léger baiser sur la joue de l’Allemande avant de se reculer de leur étreinte.

« Gute Natch, Sara. »

Elle lui fit un nouveau sourire, rempli de joie, ses joues étant encore rouge pivoine. Perdant les moyens elle se courba devant sa camarade et se gifla mentalement. Sérieusement ? Ce n’est pas le temps pour une courbette. Elle venait de rater son départ qui était réussi jusqu’à maintenant. Encore plus rouge, elle se redressa et lança un « salut ! » avant de tourner les talons, ayant bien l’intention de déguerpir. Elle s’était assez ridiculisée pour la soirée.

Alors qu’elle s’apprêtait à prendre la fuite, Aiko sentit Sara l’attirer à elle pour l’étreindre à nouveau. Le contact chaleureux eut pour raison de calmer instantanément l’athlète qui répondit à l’étreinte en serrant doucement la cavalière entre ses bras. La Japonaise appréciait grandement cette proximité naissante avec la jeune femme et le partage de ces gestes d’affection.

C’est beaucoup plus sereine qu’elle se recula gentiment en souriant tendrement à l’Allemande. Et cette avec cette même tendresse et douceur qu’elle répéta ses mots.

« Salut, Adana-chan. »

Avec un dernier sourire doux et chaleureux, Aiko s’éloigna pour quitter les dortoirs du Lys et se rendre dans les Azalée pour y retrouver sa chambre. Elle se surprit à rêvasser en affichant un sourire radieux et en déambulant nonchalamment sur le chemin qui la mènerait dans son refuge. Son cœur bondissait de joie et tout son être semblait plus radieux.

Une fois son antre, elle ferma sa porte et alla se jeter à plat ventre sur son lit. Elle enfouit sa tête dans son oreiller avant de laisser échapper un cri de joie et d’euphorie. Elle roula ensuite sur le côté en serrant son oreiller entre ses bras.

Les images de sa soirée défilaient dans sa tête, souvenirs embellis par les sentiments qui commençaient à émerger dans son être. Son sourire et son air rêveur ne la quittèrent pas. Elle prit une douche rapide et alla se coucher en sifflotant. Elle ne mit pas longtemps à s’endormir le sourire aux lèvres.

Cette nuit là, elle fit de merveilleux rêves et se reposa réellement, pour la première fois depuis longtemps.