Opération coeur brisé [Keiko & Yuki]

Elle avait plongé sa chambre dans l'obscurité grâce aux épais rideaux qui bloquait la lumière du jour et s'y était enfermé. Elle avait perdu le compte des heures et ne savait même pas dire si il faisait jour ou nuit, ni quel jour de la semaine elle était. Tout semblait s'être arrêté et il n'y avait que les larmes qui rythmaient son quotidien. La tête de la violoniste faisait peur, en vérité ce n'est pas comme-ci elle cherchait à s'arranger, ses longs cheveux blonds ondulaient et s'était emmêlés la faisant ressembler davantage à une Yuna qu'à une Keiko. Elle dormait si peu que son visage souriant avait laissé place à des yeux de panda, les paupières gonflées et des poches sous ses yeux rougis. Elle n'avait pas beaucoup avalé de nourriture et avait la tête qui tournait en plus de lui faire un mal de chien.

La violoniste s'était retirée de toute vie et n'avait fait que répondre à quelques messages avant de tomber de fatigue et puis de recommencer son cycle de pleurs. Elle n'avait aucune envie de bouger et n'avait sortit son instrument que pour l'enlacer à côté d'elle avec son tas de peluches et ses couvertures qui lui cachait sa tête. Si elle avait entendu le bruit à sa porte, elle avait choisi en toute conscience de ne pas y répondre, elle avait honte de se montrer avec cette tête de poutine écrabouillée sous les roues d'un bus face à ses meilleures amies.

En revanche, elle se maudit intérieurement d'avoir omis de verrouiller sa porte d'entrée à double-tours. Elle ferma les yeux avec force et se terra davantage sous ses couvertures en serrant son violon et quelques peluches contre elle. Bientôt, elle senti un poids faire légèrement penché le matelas, une main lui caresser son amas de cheveux dans un état lamentable et une main saisir la sienne. Elle se sentait idiote et renifla un peu trop fort ce qui la fit tousser.

- les filles, je vous aimes !

La voix de la musicienne était rauque, fatiguée, apparemment sa ballade sous la pluie battante lui avait laissé quelques séquelles et un mal de gorge qui était renforcé par ses crises de larmes.

- Ouvrez pas ! Je ressemble à un monstre !

L'estomac de Keiko ne cessait de se manifester, il était à peine rempli alors entendre le mot sucreries et limonade semblait le rendre enthousiasme et voilà qu'il le faisait entendre en grondant malgré les sempiternelles supplications intérieures de la violoniste à la chevelure blonde. Elles semblaient s'être mise d'accord pour ouvrir ses rideaux et faire entrer la lumière du jour qui lui brûla la rétine et la força à s'enterrer la tête sous son oreiller, elle rentra aussi le pied qui était en dehors de son lit lorsqu'elle sentit un courant d'air frais venir le caresser et le refroidir après avoir été dans la moiteur consolante de son lit.

Les deux filles trafiquaient quelque-chose dans son dos, elle les entendaient pinailler, ramasser ce qu'elle avait négligemment jeté par-ci et par-là et qui avait atterri sur le sol de sa chambre. Elle avait pourtant toujours été soigneuse de ses affaires et très propre. Lorsqu'elle comprit que ses amies avaient pour sentences de tirer sur ses couvertures, elle s'y accrocha, mais ses forces étaient diminuées et elle se retrouva donc en culotte et brassière devant le regard de ses amies, le visage tout chiffonné, ses cheveux dans une décoiffe sauvage. Un œil fatigué ouvert et son poing qui venait frotter le second encore fermé.

- J'avais prévenu que je ressemblais à un monstre ! En plus, je pue !  

Au fond, Elles étaient adorables de venir ainsi pour la consoler, mais elle se demandait si elle arriverait encore à sourire un jour. La blonde adorait ses deux amies même si à cet instant précis elle serait encore bien restée quelques-jours de plus à broyer du noir couchée dans son lit. La violoniste ouvrit de grands yeux choqués lorsqu'elle sentit l'haleine chaude de son amie guitariste venir souffler près de son oreille et la voir si proche. Elle puait et elle le lui disait, elle baissa ses yeux gris et capitula en soupirant.

- je vais me laver alors, merci Nina pour les mochi au matcha, c'était aussi les préférés d'Azami !

Elle ne pouvait s'empêcher de la mentionner et de raconter les souvenirs qu'elle avait d'elle. Elle savait bien qu'elle n'était pas morte, elle l'espérait en tout cas , car elle ne donnait aucun signe de vie à personne. Elle se leva et sa tête commença à tourner en prenant cette stature verticale. Elle tangua et finalement tomba sur une des deux filles.

-Oh! J'ai la tête qui tourne !

Nina se demandait si elle avait pas fait une erreur en prenant ces mochis gout matcha en apprenant qu'Azami les appréciait beaucoup. Elle se disait qu'elle aurait du prendre un autre parfum, mais elle semblait les apprécier. Yuki aussi.
Elle en prit un en écoutant son amie énumérer les films qu'elle avait apporté.

_ Romantique? J'ai peur que ça la démoralise encore plus. Horreur...je sais pas, ça dépend de l'horreur... T'as pris quoi exactement? Parce que j'aime pas vraiment le gore. Si c'est pour rendre les mochis dans le poubelle...

Ces appels intempestifs commençaient à l'agacer.

_ Excuse moi Yuki. Dit elle en lui donnant le paquet de mochis.

Elle sortit et constata les cinq appels en absence de sa mère. Ce n'était vraiment pas le moment d'intervenir. Elle décrocha et lui fit comprendre que c'était pas le moment de la déranger, et que c'était pas en la harcelant d'appels qu'elle décrocherait plus vite.
Elle revint quelques secondes plus tard dans la chambre et vit que Keiko était revenue de sa douche. Elle semblait déjà plus fraiche.
La ballerine alla lui ouvrir une bouteille de limonade pour lui redonner un pic d'énergie pour qu'elle tienne debout. Le Japon était réputé pour gaver ses limonades en sucres.

_ Prends ça, ça va te remettre sur pieds. T'en veux une Yuki?

Keiko ne s'était plus levée depuis longtemps et n'avait plus mangé pour dire, elle avait été étourdie et heureusement, elle fut rattrapée par Yuki. Les bras de son amie la sécurisait. Elle planta son regard gris dans les yeux de la japonaise qui l'avait sauvé d'une chute et y décela beaucoup d'inquiétude et à dire vrai, Nina avait ce même regard sur elle. L'ancienne présidente du conseil ne s'était jamais montrée faible et voilà qu'elle craquait et devant ses meilleures amies en plus. La blonde tenta un sourire faible pour rassurer ses précieuses amies.

- Merci Nina pour les mochis, je les mangerais quand-même. Je n'ai pas très faim mais pour des mochis au matcha il y a toujours de la place !

Ce n'était pas tout à fait vrai et l'idée même d'en manger lui donnait un peu la nausée et l'écoeurait et tant pis, elle en mangerait quand-même un voir deux pour faire plaisir à ses copines et surtout à Nina qui avait fait l'effort d'aller lui en chercher pour la réconforter. Elle entra avec Yuki qui la soutenait toujours dans la salle de bain et lorsque celle-ci osa lui proposer son aide pour la laver, son visage jusque-là blême et fort pâle prit une couleur de pivoine bien écarlate.

La violoniste avait toujours été d'une extrême pudeur et la seule personne à jamais l'avoir vu nue c'était Yuna, autrement personne pas même la peintre qu'elle avait aimé ne l'avait vu sans aucun vêtement. Elle la regarda d'un air d'ahurie finie en secouant ses mains dans tous les sens et refusa assez vivement l'aide que Yuki souhaitait lui apporter.

- Non, non non , non, non, non, non! Je, merci mais je préfère me laver seule !

Elle avait répété pas moins de six fois sa désapprobation avant de la remercier pour son attention mais en expliquant qu'elle préférait être seule pour ça. La musicienne attendit d'être à nouveau toute seule pour entreprendre de se déshabiller et la tâche ne fut pas compliqué puisqu'il n'y eu que sa brassière et sa culotte à laisser tomber par terre avant d'ouvrir la douche et de laisser couler le jet d'eau chaude sur sa peau.

Elle n'avait aucune idée de ce quoi les filles pouvaient s'entretenir durant son absence, mais elle décida en son fort intérieur d'agir aussi normalement qu'elle pouvait avec elles pour ne pas les inquiéter davantage. Elle se savonna avec son gel douche et son shampoing habituel et laissa sa peine couler le long de sa peau comme la mousse savonneuse parfumée qui finissait aspirée par le siphon de la douche.

Elle réapparu quelques minutes plus tard, le corps enroulé dans un essuis et ses cheveux encore plus long alourdis par l'eau qui ruisselait encore dans son dos. Il n'y avait pas de traces de Nina dans la chambre, mais seulement Yuki. Elle la questionna d'abord du regard avant d'ouvrir la bouche.

- Elle est partie ? Elle ne voulait plus rester avec moi ?

La danseuse avait peut-être décidé de partir parce qu'elle ne supportait plus son attitude négative. Elle rejoignit toujours emballée dans son drap de douche assez grand pour la couvrir jusqu'à ses genoux son armoire afin d'y prendre un pyjama short et re-disparaître dans la salle de bain pour s'habiller à l'abris des regards. Revenant avec les cheveux toujours humides, mais coiffés et attachés dans une queue de cheval. Elle se laissa tomber dans le lit pour venir poser sa tête sur l'épaule de Yuki et soupirer.

Nina rentra à ce moment et elle vint lui faire aussi un câlin avant d'arranger ses oreillers pour regarder le film.

- Alors ? Vous m'avez prévu quoi pour cette soirée cinéma ?

Keiko notifia qu'en rentrant à nouveau dans sa chambre, Nina avait l'air particulièrement fière d'elle, mais pour une raison qui lui était totalement inconnue. Ce qu'elle voulait ? Pour le moment, pleurer et dormir semblait être les deux options qui s'offraient à elles. Hélas, ses amies semblaient insisté pour lui changer les idées, mais elle n'avait aucune idée de quoi regarder, elle n'avait pas envie de rire, ni d'avoir peur.

- On peut regarder une comédie d'horreur alors !

Elle essayait de se montrer autant enthousiaste que possible dans son état et elle vint s'installer entre ses deux meilleures amies pour leur prendre la main et les garder contre elle. Elle nota que si elle le voulait, Yuki allait leur faire la cuisine et e film commença. La blonde était tellement sensible que lorsqu'il y avait des jumpscares qu'on voyait venir à des kilomètres, elle sursautait en couinant et en serrant la main de ses amies. Elle s'installait parfois en posant la tête sur l'épaule de Nina, puis elle changeait et posait sa tête sur l'épaule de Yuki.

- Vous savez, c'est la première fois que j'ai des amies proches ! Je suis contente de vous avoir toute les deux, je vous aime !

La blonde écoutait son amie Nina qui essayait de la consoler, mais lorsqu'elle traita Azami de conne l'espace d'un instant, le cœur de la violoniste se contracta si fort que cela lui fit mal. La musicienne avait vraiment aimé cette professeure et même maintenant, elle ne la détestait pas le moins du monde. Elle comprenait que c'était son choix de partir, même si il avait été et restait difficile à accepté, elle ne lui en tenait pas rigueur. Elle avait rêvé plusieurs fois que l'artiste ouvrait la porte de sa chambre, qu'elle la prenait dans ses bras, qu'elle s'excusait et qu'elle lui disait des centaines de "je t'aimes". Elle savait que la danseuse était peut-être maladroite dans sa façon de parler et Yuki le souligna aussi, peut-être que la guitariste avait vu le visage de la blonde se décomposer, les larmes lui monter aux yeux, elle venait de dire tut haut ce que Keiko n'arrivait pas à faire.

- Je l'aime encore ! Et si demain elle revenait, je l'aimerais encore et même si elle ne revient pas. Il y aura toujours une place pour elle au fond de mon cœur.

Perdre son premier amour était toujours tragique, auparavant, elle ne mesurait pas à quel point c'était vrai toutes ces femmes qui malgré un mariage ou une vie heureuse pouvait affirmer n'avoir jamais oublié leur premier amour. Maintenant, elle comprenait pourquoi, elle ressentait le même. Elle en avait complètement oublié la proposition de Yuki. Préparer de quoi manger.

- J'ai envie d'onigiri avec des copeaux de bonites séchés. Tu as déjà goûté Nina ? C'est typique de la région !

Le résumé de Nina était étonnamment complet à croire qu'elle avait une connaissance filmographique bien plus impressionnante que ce qu'on aurait pu croire. La cabane avait l'air d'être un bon choix, Yuki n'aimait pas les clowns.

- C'est grotesque pourtant les clowns, je n'ai jamais trouvé "ça" très drôle, mais je ne comprends pas en quoi on peut en avoir peur ! Avec leurs grandes chaussures ils sont bien incapable de courir sans tomber !

En voilà une analyse mature et digne de l'ancienne présidente des élèves. Cela ne l'empêchait pas de tomber dans le panneau des moments fait pour sursauter à chaque fois qu'il y en avait et finalement même Yuki s'en moquait.

- Je n'ai pas peur, mais je me fait avoir à chaque fois !

Cela lui faisait du bien au moral d'être entourée et elle avait même un peu peur de se retrouver toute seule une fois que le film serait terminé.

- Vous voudriez pas rester pour la nuit ? J'ai pas peur, mais je ne veux pas être seule encore une fois ?

[Désolée du retard les filles x) ]

_ On t'aime aussi Keiko. T'en fais pas on va pas te laisser seule.

Nous étions pas tous égaux devant les films d'horreur. Certains seront totalement stoïque devant Cannibal Holocaust ou Saw, tandis que d'autres se cacheront les yeux devant Esther. C'était pour ça que Nina avait proposé au pif différents titres en lisant une liste Wikipédia.
La cabane dans les bois semblait avoir motivé Yuki, Keiko était un peu moins chaude mais semblait quand même accepter. Elle non plus ne semblait pas fan des clowns.
Nina n'avait pas vraiment d'avis là dessus. Etant petite elle les trouvait très gentils. Mais en grandissant elle avait fini par les trouver ridicules. Mais c'était parce qu'elle n'était plus dans la tranche d'âge visée.

_ Perso j'aimais bien quand j'étais gosse. On y en avait quelques uns dans les rues de New York et il y en a même un qui m'a offert un chien en ballon. Bon j'ai eu la peur de ma vie quand il a explosé, mais en contre partie ma mère m'a fait un gros câlin pour me rassurer.

Sa mère pouvait être douce au final...

Elle se dépêcha de ne plus penser à cette dernière et lança:

_ Je connais un site de streaming pas trop louche. Enfin...par louche j'entends un site avec aucun virus, ni pop up porno ou qui demande de nous inscrire à la moitié du film. Et va pour des onigiris! J'ai jamais gouté ceux avec des bonites, c'est quoi exactement? On les cuisine ou on passe commande? Ils livrent à l'Université?

Tout en posant sa question, elle cherchait un site de streaming où elle avait l'habitude d'aller. Elle n'avait jamais eu de problèmes avec cette adresse. Aucun virus, ni pop up porno, ni demande d'inscription douteuse.
Par chance il était encore actif. De plus, le film était disponible.

_ Bingo! Aller, c'est parti.

Elle posa l'ordinateur devant elles et s'installa avec ses amies. Elle caressa doucement les cheveux de Keiko pour la rassurer.
C'est alors qu'elle proposa aux filles de rester pour la nuit. Heureusement que c'était encore les vacances et que le couvre feu était plus souple.

_ Je vais rester le plus longtemps possible. Mais je suis encore au lycée, et même en vacances il y a un couvre feu. Il est plus souple qu'en période scolaire mais faut que je surveille l'heure.