Pas de Deux Émotionnel [PV Ouliana]

Les rues animées du Japon étaient bien loin des scènes élégantes de ballet de Moscou, mais pour Léna Pétrova, le voyage lui avait permis de réaliser un de ses rêves et de fonder une académie pour jeunes filles. La ballerine mondialement acclamée avait parcouru des milliers de kilomètres pour s'installer et créer son petit coin de paradis.

Ce matin-là, alors que les premiers rayons du soleil perçaient les nuages, Léna se tenait devant les grandes portes de l'école primaire rattachée à l'académie d'art. Malgré sa réputation de danseuse exceptionnelle, elle ressentait une étrange nervosité face à l'idée de rencontrer pour la première fois sa filleule. Ouliana, une petite fille de sept ans aux boucles de feu, était devenue une figure familière à travers les lettres et les photographies envoyées par sa mère depuis sa venue au monde. Ses cheveux flamboyants semblaient refléter une personnalité vive et pétillante. La petite fille avait capturé une place spéciale dans le cœur de Léna, bien qu'elles ne se soient jamais rencontrées en personne.

La russe avait toujours envoyé de ses nouvelles par le biais de lettres en réponse à celle de son amie et la mère de l'enfant et l'avait toujours gâtée en envoyant des cadeaux. Léna n'avait jamais manqué un anniversaire ou un noël. Elle fini par entrer, accueillie chaleureusement par des professeures qui ne cessaient de faire son éloge. Les couloirs résonnaient de rires d'enfants et étaient décorés d'œuvres d'art aux couleurs vives, créant une atmosphère vivante et plein de candeur. Guidées par ces travaux artistiques qui retenaient son attention, elles parvinrent à une salle de classe où un groupe d'élèves était réuni.

- Mes élèves étaient impatientes de vous rencontrer madame Pétrova !  

La jeune professeure ouvrit la porte de la classe dont les bavardages et les rires cessèrent pour laisser place à un silence religieux. Léna entra dans la salle d'un pas gracieux, son regard bleu curieux parcourant la pièce avant de se poser sur la petite fille qui avait captivé son imagination depuis si longtemps. Ouliana se tenait là, une lueur d'anticipation dans les yeux, ses boucles rousses entourant son visage enfantin et curieux.

Un sourire attendri se dessina sur les lèvres de Léna tandis qu'elle s'agenouillait pour se mettre à la hauteur de la petite fille.

- Bonjour Ouliana, je suis enchantée de faire ta connaissance en personne.

Les mots  qu'elle avaient prononcés semblaient porter un lien spécial, une connexion entre deux mondes qui n'avaient jusqu'à présent communiqué que par lettres et images. Est-ce qu'Ouliana savait qui elle était ? Est-ce qu'elle aussi était nerveuse ?

La pluie devenait soleil. Le soleil devenait un arc-en-ciel. C'était dans l’ordre des choses. Mais Ouliana n'était pas dans l'ordre des choses. Elle était maladroite, elle ne faisait que chuter, elle ne rendrait jamais fière sa maman. C'est pour cela que la fillette avait honte, honte quand elle devait écrire à sa maman pour lui dire ses progrès, inexistants, alors pour ne pas mentir elle parlait de tout sauf de la danse dans ses lettres à Maman. Elle lui racontait le repas de midi, ses camarades, l'escargot qu'elle avait trouvé dans la cour et qu'elle avait nommé Boidi, les feuilles des arbres qui brillent sous la rosée du matin ensoleillé, sa dernière bonne note en rédaction, le dernier dessin qu'elle avait fait.

Mais quoi qu'elle dise Maman lui répondait toujours la même chose se moquant bien du reste : Et en danse tu fais beaucoup de progrès ?

C'est pour ça que quand la directrice de la Yuri-Academia se présenta à la Lyllian Gakuen, Ouliana se sentit plus que mal à l'aise, cette dame, sa marraine, l'avait toujours couverte de cadeau et sa maman répétait toujours :  Elle te gâte car tu seras une danseuse étoile plus tard !  Et Ouliana y croyait. Maman disait aussi : Fais attention Ouliana elle est encore plus sévère que moi, ce que je te demande est facile face à ses attentes, tu dois faire plus que de ton mieux si tu ne veux pas la décevoir car si tu la déçois tu me décevras !

Et Maman avait toujours raison pour Ouliana.

C'est pour cela que quand Léna aux longs cheveux noirs et aux yeux de ciel s'accroupit face à la petite fille aux cheveux de feu et lui dit : «  Bonjour Ouliana, je suis enchantée de faire ta connaissance en personne. » Ouliana dut se forcer à sourire tant elle avait peur.

Les autres petites filles s'agitaient curieuses de la scène entre la directrice et l’enfant. Ouliana ne s'en préoccupait pas. Elle regardait sa marraine droit des les yeux avec courage et curiosité comme cherchant avec une énergie vive mais sans geste ni mot si elle devait la craindre ou pouvait être comprise.

Maman disait toujours la vérité pour Ouliana mais la douceur des paroles de Léna avaient piqué sa curiosité.
« Vous êtes ma marraine n'est ce pas ? » demanda la petite fille avant d'ajouter  en une légère révérence polie : «  Enchantée ! » Ouliana aurait voulu la remercier de tous les cadeaux et les gentilles lettres, elle aurait voulu se lier d'amitié avec cette adulte mais les paroles de sa mère menaçaient ce lien, lui faisaient peur, la retenaient.

C'est alors qu'une des fillettes s'exclama : «  Madame Pétrova ne perdez pas de temps avec Ouliana, elle est vraiment nulle en danse ! » Quelques petites filles pouffèrent.  

Ouliana poussa sa camarade qui l'avait ''denoncée'' et celle ci tomba sur les fesses sans se faire mal et explosa en sanglots.

« C'est même pas vrai, je ne suis pas nulle en danse  ! » se défendit la fillette nommée Ouliana.

« OULIANA ! EXCUSE TOI TOUT DE SUITE ENVERS TA CAMARADE ET ENVERS MADAME PETROVA ! » se fâcha une surveillante non loin.

Des larmes au bord des yeux Ouliana aida sa camarade à se relever dans un : «  Désolée... » Puis elle se retourna vers Léna et dit : «  Je suis désolée. » avant de dire plus bas : «  Mais je ne suis pas nulle en danse. » non sans une certaine frayeur dans la voix à l'idée que sa marraine croit sa camarade.

Léna Pétrova observa attentivement Ouliana, lisant les émotions qui se bousculaient dans les yeux de la jeune fille aux cheveux de feu. Elle avait remarqué la tension dans le regard de la petite, le mélange de curiosité et de crainte qui se disputait dans son regard. Léna se souvenait des lettres et des cadeaux qu'elle avait envoyés à sa filleule au fil des années, espérant être une source de soutien et d'inspiration pour elle. Mais elle comprenait maintenant que derrière ces actes de générosité se cachait un fardeau de grandes attentes.

Lorsqu'Ouliana lui posa la question, Léna sourit doucement, cherchant à apaiser les craintes de la jeune fille.

- Oui, Ouliana, je suis bien ta marraine.

Léna remarqua la révérence polie d'Ouliana et l'apprécia, même si elle sentait une certaine réserve dans l'attitude de la fillette. Elle pouvait clairement ressentir la tension qui régnait entre les attentes élevées de la mère d'Ouliana et la réalité de la petite fille. Son ancienne collègue de danse lui téléphonait de temps en temps pour connaître les progrès de sa fille qui apparemment refusait de lui révéler dans ses lettres.

La situation prit un tournant inattendu lorsque l'une des camarades de classe de la petite la critiqua de manière désobligeante. Les mots blessants firent écho dans la salle de classe, provoquant un silence gêné parmi les élèves. Ouliana, défendant son honneur, poussa sa camarade, qui s'effondra en larmes.

Le ton sévère de la surveillante fit écho dans la salle, exigeant des excuses d'Ouliana envers sa camarade et envers Léna. Les larmes aux yeux, la fillette s'excusa sincèrement.

Léna attendit un instant, laissant l'émotion se calmer, puis elle se pencha doucement vers Ouliana pour lui parler à voix basse, écartant momentanément les autres élèves du regard.

- Ouliana, tu n'as pas à t'excuser auprès de moi. Je suis ici pour te connaître, pas pour juger tes compétences en danse.

Léna regarda autour de la salle de classe, puis posa son regard sur la fillette aux cheveux enflammés avec un sourire rassurant.

- Peu importe ce que les autres disent, crois en toi. Les pas de danse ne sont qu'une petite partie de ce que tu es. Et si tu souhaites apprendre un jour, je serais honorée de danser à tes côtés.

Puis, se redressant, Léna adressa un sourire aux autres enfants dans la salle de classe, qui l'observaient avec curiosité. Elle se tourna vers eux, parlant avec une douceur qui transcenda les barrières de la langue et de la culture.

- Mes chères petites, je sais que la danse peut parfois sembler difficile, mais rappelez-vous que la danse, c'est bien plus que des mouvements gracieux. C'est une façon d'exprimer vos émotions, de raconter des histoires sans dire un mot. La danse, c'est la magie de l'âme qui prend vie à travers le corps.

Elle fit quelques pas gracieux, esquissant quelques pas de ballet légers pour illustrer ses paroles.

- Je voudrais vous dire quelque chose d'important. Peu importe d'où vous venez ou quelles sont vos compétences actuelles en danse, en chant,en musique ou en sport, vous avez toute en vous la capacité de devenir de merveilleuses étoiles si vous croyez en vous-mêmes et si vous travaillez dur. Ne laissez jamais personne vous dire que vous ne le pouvez pas.

Léna observa chaque enfant dans la salle, cherchant à établir un contact visuel avec chacun d'eux.

- Si vous le souhaitez, je serais heureuse de vous montrer quelques mouvements de danse, de partager un peu de ma passion avec vous.

Les yeux des enfants brillaient d'une nouvelle lueur d'enthousiasme alors qu'ils écoutaient les mots inspirants de Léna.

Madame Pétrova avait l'air gentille. Elle ne semblait pas vouloir obliger Ouliana  à danser. Toutes les petites filles l'écoutaient parler de la danse, admiraient ses pas les yeux plein de respect et de joie.  Sauf Ouliana qui se méfiait. Si ça se trouve sa marraine sympathisait avec les élèves pour les rendre dociles à sa sévérité juste après.

Léna proposa de  montrer quelques mouvements de danse, de partager un peu de sa passion avec les élèves de la classe d'Ouliana. Toutes les petites acquiescèrent avec enthousiasme. Sauf Ouliana.  Elle, elle détestait danser, en cours de danse elle était la moins douée. Elle n'y prenait acun plaisir. La seule histoire qu'elle en ressortait était de la souffrance morale et physique.

Pourtant elle s'entrainait dure. Mais ce n'était jamais bien. Mais pour sa maman elle n'abandonnait pas car sa maman avait besoin de sa réussite et pourtant...

Ouliana avait la tête qui tournait d'angoisse, elle s'assit sur une petite chaise d'enfant à peu près à sa taille alors que les autres petites se pressaient autour de Léna. Ouliana parfois se sentait affreusement seule de cette situation difficile où elle était. Elle sortit une feuille de sa poche, elle y avait dessinée une portée basique avec des notes de clef de  sol, contrairement en danse elle progressait beaucoup en solfège et en chant sa voix déjà prometteuse à la base grandissait encore plus en finesse, force et beauté.

Sa maman en aurait été fâchée. Mais Ouliana n'en parlait pas à sa maman. Alors que tout le monde s'agitait de bonheur Ouliana tentait de ne pas s'affoler en s'accrochant à ses notes de musique avec calme.

Elle sortit un crayon et commença à écrire des paroles de son invention en dessous des notes. Et ce jusqu'à ce que la surveillante lui secoue doucement l'épaule. « Ouliana va rejoindre les autres au fond de la salle, Madame Pétrova va nous faire une démonstration ! » 

Ouliana soupira et se leva, en passant près de sa marraine elle lui glissa sa feuille dans les mains sous l’œil étonné de la surveillante et de ses camarades. Puis elle alla s'assoir.

Si Léna ouvrait la feuille elle pourrait y lire :

« Moi je ne suis pas une étoile,
Les étoiles sont les papillons de la nuit,
Moi je ne serai jamais une étoile,
Les étoiles frôlent le sol sans un bruit,

Elles virevoltent comme un pinceau sur la toile,
Je ne suis qui canard incapable de décoller,
Un courant d'air incapable de tourbillonner,
Danser pour moi ne comporte aucun il était une fois,

 Moi je ne suis pas une étoile,
Les étoiles sont les papillons de la nuit,
Moi je ne serai jamais une étoile,
Les étoiles frôlent le sol sans un bruit,

Mes dessins sont maladroits je tombe et je chute à chaque fois,
J'effectue une chute sans fin dans un puits,
Tel un oiseau aux ailes atrophiés,
Moi je ne sais pas bien danser,

 Moi je ne suis pas une étoile,
Les étoiles sont les papillons de la nuit,
Moi je ne serai jamais une étoile,
Les étoiles frôlent le sol sans un bruit, »

C'était le secret d'Ouliana, la douleur d'une fillette prit dans un engrenage qu'elle ne voulait pas. Ouliana fixait à présent sa maraine dans les yeux avec défi, craignant sa réaction mais heureuse d'avoir réussi à lui transmettre.

Elle espérait juste que sa marraine ne dirait rien à sa maman. Ouliana était sûre que sa maman cela la tuerait et Ouliana ne voulait que le bonheur de sa maman.

@Léna Pétrova

Léna accepta délicatement la feuille que lui remit Ouliana, ses yeux parcourant les paroles pleines de tristesse et de résignation. Elle sentit le poids des mots de la fillette de 7 ans à peine, de sa lutte intérieure entre les attentes extérieures et ses propres aspirations.

Le cœur de la directrice se serra en lisant le poème, et elle comprit que derrière la petite danseuse en herbe se cachait une artiste talentueuse dans un autre domaine. Sans dire un mot, Léna prit doucement la main de sa filleule dans la sienne, lui adressant un regard chaleureux empreint de compréhension et non de jugement ,de déception ou de tristesse.

- Ouliana, ma chèrie, la danse n'est pas la seule façon de s'exprimer. Chacun de nous a ses propres talents, ses propres passions. Tu es une artiste, une poète, une créatrice de mélodies avec tes propres notes et paroles. C'est magnifique !

Léna posa la feuille sur le pupitre, juste à côté de l'endroit où elle s'apprêtait à réaliser une démonstration de danse. Elle se tourna ensuite vers la classe, son regard bienveillant fixé sur chaque enfant présent.

- Mes chères enfants, il n'y a pas qu'une seule manière de danser ou de s'exprimer. Ouliana nous a partagé une part de son monde, un monde plein de poésie et de musique. Chacun de vous a quelque chose d'unique à offrir. La danse, la musique, la peinture, l'écriture... toutes ces formes d'expression sont des cadeaux précieux que nous portons en nous ! Et qui ne demande qu'à être encouragé!

La russe prit un moment pour apprécier le courage de la petite fille, puis elle annonça avec un sourire encourageant.

- Maintenant, permettez-moi de vous montrer un peu de mon don, mais n'oubliez jamais que chacun de vous est une étoile à sa manière, peu importe la discipline dans laquelle vous brillez !

Elle commença à danser avec grâce et élégance, ses mouvements racontant une histoire silencieuse. Léna ne cherchait pas à imposer la danse, mais plutôt à inspirer chaque enfant à trouver sa propre voie artistique, à s'épanouir dans ce qui les rendait uniques.

Les autres enfants étaient hypnotisés par sa démonstration, leurs yeux brillants d'admiration. La directrice de l'école primaire observait avec satisfaction, comprenant que cette rencontre avait le potentiel de transformer non seulement la vie d'Ouliana, mais aussi celles de tous les élèves présents dans cette classe.

Lorsque la danse prit fin, Léna s'inclina légèrement, offrant un sourire radieux.

- Merci à tous de m'avoir accordé cette chance de partager un moment avec vous. C'est à votre tour de laisser briller votre talent !

Elle s'approcha d'Ouliana, la regardant avec douceur.

- Ouliana, même si la danse ne te parle pas, souviens-toi que ton talent est unique. Continue à explorer la musique, la poésie, et tout ce qui résonne en toi. Ne laisse jamais personne te dire ce que tu devrais être. Sois toi-même, ma chèrie, et ta lumière brillera d'une beauté particulière!

Léna se tourna ensuite vers la classe.

- Maintenant, je vous propose quelque chose d'amusant. Chacun de vous peut partager un talent, une passion ou une histoire qui lui est propre. Que ce soit un dessin, une chanson, ou même une petite histoire. Chaque expression artistique est la bienvenue !

Les élèves échangèrent des regards excités, et peu à peu, la salle de classe se transforma en un lieu d'échange créatif.