La forteresse de solitude [Libre]

Yuki avait longtemps évité ce lieu, avant qu’il ne devienne son refuge des premières belles journées de printemps. Même après être entrée à l’université, elle continuait à venir ici. Le toit du lycée offrait une meilleure vue et était moins fréquenté que celui de l’uni.

La journée était douce et ensoleillée et la Japonaise s’était dit qu’elle pourrait en profiter pour jouer de la guitare au grand air. Elle avait un peu délaissé son instrument ces derniers mois, ne le sortant que pour ses cours. Entre la préparation de son mariage, ses cours et sa vie de couple, elle avait eu du mal à trouver des moments pour elle et son art. Voir ses deux meilleures amies s’investir à fond dans le leur et saisir de belles opportunités lui avait redonné de la motivation. Elle aussi allait s’accrocher à son rêve et tout faire pour l’atteindre. Il fallait d’ailleurs qu’elle contacte Mee pour redonner un souffle aux high 5 et organiser des concerts avec elles.

Poussant la porte métallique qui menait au toit, elle fut surprise de voir qu’une jeune fille était là et semblait admirer le paysage. Yuki ne voulait pas la déranger, mais la porte grinçante était loin d’être discrète. Elle eut un sourire gêné de briser ainsi la tranquillité des lieux.

« Excuse-moi, je ne voulais pas te déranger…c’est rare qu’il y ait du monde ici. »

La guitariste s’avança près du garde-fou et observa à son tour le paysage, avant de reporter sur la lycéenne. Yuki se rappela l’avoir vu tenir un stand de rose en papier l’année précédente. Elle en avait même acheté une pour Kiralee. La demoiselle semblait nostalgique. Pourtant, elle se souvenait facilement de son énergie, de son air malicieux et fier de son business qui lui avait assuré un bon salaire.

« Pourtant d’ici on a une vue imprenable sur les cerisiers. »

Elle réajusta la sangle de son étui de guitare sur son épaule, avant de sourire chaleureusement à sa camarade.

Yuki eut un rire léger en constant qu’elle venait de faire sursauter la collégienne. Elle posa ensuite sur elle un regard rempli de bienveillance et de douceur.

« Pardon, je ne voulais pas te faire peur. »

Le regard de l’étudiante se déplaça ensuite pour suivre le mouvement des pétales de fleurs roses qui s’envolèrent dans une bourrasque. C’était apaisant. Yuki appréciait grandement ce spectacle et la tranquillité des lieux. Elle reporta son attention sur sa jeune camarade et enleva son étui de son dos.

« Si j’avais peur de me foirer, je n’aurais jamais appris à jouer de la guitare. Je voulais simplement profiter du toit, c’est agréable de jouer ici. »

Déposant son étui à terre, Yuki se mit accroupie, en veillant à tenir sa jupe en place. Elle ouvrit sa hardcase et en sortie sa guitare acoustique. Elle passa sa sangle sur son épaule et se redressa. Elle prit un instant pour accorder son instrument.

La guitariste eut un sourire amusé en entendant le commentaire de la jeune fille. Elle avait l’habitude d’entendre toute sorte de commentaires concernant son union avec Kiralee. Toutefois, celle qui venait d’être faite ne l’offusqua aucunement.

« De toute façon, elle est bien trop difficile pour accorder ses faveurs à qui que ce soit. »

Kiralee était une bonne prof, mais exigeante. Elle se laissait rarement attendrir par ses étudiantes et elle avait raison de maintenir cette distance. Elle avait travaillé dur pour atteindre ce poste et devait redoubler d’efforts pour prouver sa valeur.

« Ça ne me dérange pas de te jouer quelque chose, mais en échange, j’aimerais connaitre ton nom. »

Son accordage terminé, Yuki laissa glisser ses doigts instinctivement pour jouer quelques arpèges histoire de se dégourdir. Elle joua les notes doucement pour ne pas couvrir leur discussion.

« C’est toi qui as eu la brillante idée de tenir un stand de fleur en papier pour la Saint-Valentin, non ? Il parait que tu es devenu encore plus riche que Leela Stonhedge. »

Yuki n’eut aucune peine à imaginer Kiralee embarquer la jeune étudiante au bureau de Léna. Elle n’était pas toujours en accord avec les méthodes de sa femme, mais elle devait aussi avouer que son fort caractère faisait partie des choses qui l’avaient séduite.

« Qu’avais-tu fait pour mériter un tel sort ? »

Ainsi cette jeune fille avait le même nom que la célèbre Emiko Yuzura. Yuki avait entendu dans les bruits de couloirs que la fille de l’actrice avait rejoint les rangs de l’académie pour y étudier le théâtre.

« Enchantée Miyu, moi c’est Yuki. »

Elle lui adressa un sourire bienveillant et écouta ce que la comédienne avait fait de son petit pactole remporté. Elle semblait être assez mature pour économiser son argent malgré son jeune âge. Yuki pensa à Cindelle qui avait davantage tendance à dépenser rapidement le peu d’argent de poche qu’elle se faisait.

« C’est très prévenant de ta part. Même si je trouve triste l’idée que ton père puisse potentiellement te couper les vivres. »

Elle n’était pas du genre à se mêler de ce qui ne la regardait pas, mais ne pouvait pas non plus faire taire son empathie. Elle ne connaissait pas la vie de Miyu, mais elle semblait être assez solitaire.