Du bout de mes doigts [libre]

Tout le monde , enfin celle qui savait jouer d'un instrument ou l'autre se donnaient rendez-vous ici en toute circonstances et impunité pour nous soumettre leur talent comme on écraserait du pain beurré en pleine figure. Voilà ce qui arrivait quand on était trop laxiste et qu'on laissait les classes en accès libre. Moi aussi, j'allais en profiter, ce n'était pas pour une fois. J'avais toujours excellé au piano à défaut de ne pas pouvoir virevolter sur de la musique, je la jouais. Cela devait faire au moins un an que mes doigts n'avaient pas effleuré les touches usées de ce piano qui méritait une remise en état et à neuf si vous voulez mon avis. Ce magnifique instrument était le meilleur ami de tout le monde que ce soit les virtuoses de l'académie ou bien les sales pestes qui ne savaient pas faire un accord convenable et qui pourtant ne savaient pas se tenir et s'empêcher de venir pianoter de véritables cacophonies.

Je m'installais laissant pour un instant mon fauteuil sur le côté non loin et comme seul spectateur de mon interprétation. Je n'avais pas oublié comment ça fonctionnait et je prenais un certain plaisir à donner vie à la sonate au clair de lune de Debussy, un classique, mais un que j'aimais particulièrement. Il faisait écho à ce que je pouvais ressentir par rapport à ma faible condition physique. Je n'avais pas gagné le gros lot de la vie en venant au monde entre ma malformation pulmonaire et cardiaque inopérable qui me laissait à peine la force de marcher de quelques pas par moi même. Au moins Léna me laissait donner cours de Russe, ça donnait un peu de sens à ma survie. J'adorais entendre les élèves répéter avec leur horrible prononciation et leur accent.