Pieds de grue du cygne [libre]

Que toupet ! Quel culot ! Un mois que l'année scolaire avait reprit et cette sportive écervelée avait complètement blacklisté tout ses appels ! Léna devait donc gérer seule tout les problèmes de place au dortoir, ce qu'elle avait fait d'une main de maître comme toujours. Ce qui l'excédait le plus était de n'avoir jamais aucune réponse à ses mails et à ses appels, à croire que Nadeen Hasakura avait peur d'elle et qu'elle l'évitait.

Elle s'était donc dégagé une journée pour se déplacer en personne en espérant cette fois avoir un entretien. Habituellement, on la suppliait pour réussir à avoir un rendez-vous avec elle ! Et là non seulement, elle l'avait fait dérangé, mais en plus elle savait qu'elle était devant l'entrée du campus et elle n'avait envoyé personne pour l'accueillir. La russe n'aimait décidément pas les manières de la nouvelle voisine et elle finirait par le lui dire en face.

La directrice de l'académie était toujours élégante, elle mettait un point d'honneur à être parfaitement habillée, maquillée et coiffée pour chaque occasion. Elle portait sous son bras une pochette en cuir qui devait être remplie de documents important et à l'autre main son portable dans lequel elle semblait parler pour s'entretenir avec une personne ou l'autre.

Toujours pas une âme qui vive ? Très bien ! Alors, elle allait s'inviter toute seule. Elle avança d'un pas décidé pour venir ouvrir la grande porte en verre qui menait à l'intérieur du bâtiment, ses talons claquaient sur le sol à un rythme rapide qui soulignait la colère dans laquelle elle se trouvait en cet instant. Lorsqu'elle aurait mit la main sur cette Hasakura Nadeen, celle-ci allait passer un sale quart d'heure.

Léna n'avait déjà pas la réputation d'être la femme la plus chaleureuse de la ville, mais c'était encore moins le cas lorsqu'on la faisait poireauté. Il fallait arriver à se repérer dans ce dédales d'escaliers et de couloirs qui n'en finissaient plus. Les élèves qu'elle pouvait croiser dans les couloirs s'écartaient naturellement à son passage et la suivait du regard. Que voulez-vous ? Malgré son aura terrifiante, elle était belle à croquer dans son tailleur qui mettait en évidence ses longues jambes fines et son postérieur bien moulé dans sa jupe de tailleur.

Une journée paisible s’était profilée pour la jeune professeure de sciences. Elle s’épanouissait peu à peu dans son nouvel environnement et elle avait bien pris le train en marche. Son temps était surtout consacré à l’élaboration de ses programmes de cours et surtout la gestion de son temps afin de pouvoir finir d’enseigner la matière dans les délais fixés par son horaire. Le reste du temps, la jeune femme aimait parcourir l’académie et utilisait parfois les différents bâtiments pour s’entrainer un peu. En l’occurrence, il était possible de la retrouver parfois en train de courir sur les pistes. A priori, il n’y avait rien qui le lui interdisait du moment qu’elle ne s’incrustait pas pendant les créneaux où ces derniers étaient réservés à des cours.

Un rapide passage à la douche et la voilà qui se dirigeait vers la salle des professeurs pour se servir une petite boisson chaude bien méritée. A vrai dire, à part Alyssa, elle ne s’était pas familiarisé avec grand monde et la jeune rosée s’arrêtait souvent aux échanges de politesse ou à des discussions sur la vie scolaire. Le reste du temps, elle préférait juste s’asseoir toute seule. Après une heure passée à effectuer les corrections de devoirs, la jeune femme se décida à sortir un instant pour prendre une pause à l’extérieur du bâtiment afin de s’aérer.

Une bonne surprise l’attendait en descendant les escaliers dont l’écho lui faisait parvenir le bruit de talons qu’on claquaient délibérément sur le sol. Visiblement, la personne devait être très pressée mais bientôt, Jenna put découvrir son visage. Mais que faisait la directrice de l’Académie des Arts ici ? C’était plutôt rare pour quelqu’un qui se disait avoir un emploi du temps chargé au point où même un rendez-vous arrangé plusieurs semaines à l’avance était quelque chose de relativement difficile à obtenir ou du moins, c’est que Jenna avait pu comprendre des discussions entre ses collègues.

Une chose était sûre, c’est qu’elle respirait l’élégance. Jenna faisait pâle figure devant elle et son avis sur la jeune russe se confirmait surtout dans le regard des élèves qui croisaient son chemin. La directrice cherchait peut-être quelqu’un ? Vu son pas, elle avait l’air de parfaitement savoir où aller mais son attitude laissait entendre que la Pétrova n’était pas dans son meilleur jour. Cependant, par altruisme, Jenna osa faire demi-tour. La jeune rosée n’eut aucun mal à la rattraper et voulu un instant l’attraper par l’épaule avant de se raviser. Ce serait certainement pas très courtois alors elle se contenta juste de se mettre à son niveau.


« Bonjour, Mme Pétrova. C’est rare de vous voir passer dans notre académie. Vous semblez pressée…vous cherchez quelqu’un en particulier ? Je peux peut-être vous aider ? »


Jenna aurait pu faire jouer leurs origines communes en parlant russe mais c'était peut-être un peu trop familier. Elle l'avait rencontrée qu'une seule fois après tout donc il valait mieux commencer par quelque chose de plus formel surtout si on tenait compte de son état actuel. Jenna ferait peut-être mieux de ne pas la froisser davantage...

@Léna Pétrova

Pressée ... ça n'était pas vraiment le mot idéal pour caractériser la tempête, que dis-je l'ouragan, le typhon...la catastrophe naturelle qui allait s’abattre sur la directrice de l'académie de sport lorsque la danseuse allait l'avoir en face d'elle et cette dernière avait tout intérêt à lui fournir un alibi en béton pour n'avoir répondu à aucun de ses appels. Autant dire que si Nadeen espérait s'en tirer avec un "j'ai oublié" ou bien un "j'ai pas eu le temps", Léna allait finir par perdre son self-control mythique.

Elle tourna un visage plus froid que la pire nuit d'hiver en Sibérie vers la personne qui l'apostropha. Qui s'était déjà ? Autant, elle n'avait aucun mal à remettre une identité sur un visage pour les membres de son personnel, autant c'était bien plus délicat comme exercice lorsqu'elle ne voyait pas plus d'une fois des personnes. Elle voulait l'aider , fort bien !

- Bonjour, en effet ! Je cherche le bureau de Nadeen Hasakura, si vous aviez l'amabilité de m'y emmener je vous en serais gré ! Je veux bien que c'est une académie de sports, mais état-ce nécessaire tout ces escaliers ?

La danseuse aurait peut-être dû commencer par se présenter à l'accueil, mais comme personne n'avait osé se mettre dans son passage de peur d'être projeté avec son aura digne de celle d'une sorcière dans un film d'épouvante.

Quelle froideur tout de même. Jenna comprenait pourquoi la directrice était si intimidante…enfin, pour les autres parce que dans le vas de la rosée, ce n’était pas vraiment le cas. Il en fallait beaucoup plus pour la faire flancher mais au moins, elle comprenait maintenant le but de sa visite. Il lui fallut d’ailleurs un certain temps pour reconnaitre le nom cité par Léna. Non pas que la mémoire de Jenna était défaillante, c’était surtout que…elle n’avait elle-même jamais rencontré cette personne. A vrai dire, Jenna ne la connaissait que de nom et pour l’instant, elle avait juste le sentiment que c’était une ombre qui dirigeait à priori leur école.

« Je suis enseignante ici que depuis peu mais je pense pouvoir vous y conduire. Cela implique encore quelques escaliers mais nous devrions pouvoir nous en sortir. Je suis navrée, ce n’est pas moi qui ait défini la logistique des lieux mais il est possible que l’installation de quelques ascenseurs faciliteraient les allées et venues. »

Pour Jenna, cela ne faisait aucune différence. C’était littéralement une promenade de santé et elle pouvait bien les gravir dix fois qu’elle en serait même pas essoufflée. Elle invita donc la directrice à la suivre, se calant sur son pas pour que les deux femmes puissent marcher côte à côte.

« Cependant, je dois vous avouer que je n’ai encore jamais rencontrée Mme Hasakura donc je doute fortement que vous la trouviez dans son bureau. Pour-être honnête, je ne sais même pas à quoi elle ressemble. Est-ce que je peux vous demander le motif de votre rencontre ? Ou peut-être est-ce un peu trop indiscret ? »

Jenna était honnête. Elle ne semblait pas cacher sa curiosité mais se réservait tout de même à forcer la directrice à réserver son motif. Ce n’était pas ses affaires après tout. Quelques marches d’escaliers et couloirs plus tard, les deux femmes débouchèrent sur le bureau de la directrice de l’Académie des Sports. Par principe, Jenna toqua trois fois sur la porte mais quelque part, elle avait le pressentiment qu’il n’y aurait sans doute pas de réponse. Cela agacerait sûrement encore davantage la Pétrova et c’est pour cette raison que la jeune rosée respecta le silence qui s’était naturellement imposé après ses coups sur la porte.

@Léna Pétrova

Le blanc laissé par Jenna des suites des explications de la russe ne lui plus guère. Qu'est-ce que cela signifiait ? Bien que l'enseignante reprit la parole en acceptant de l'emmener jusqu'au bureau, Léna décelait quelque-chose dans sa voix, comme une hésitation. La danseuse n'avait pas peur des escaliers, elle avait une bonne condition physique, mais elle trouvait ça aberrant de ne pas avoir pensé à des personnes à mobilité réduite comme des personnes âgées ou des blessées.

- Je sais bien que cela n'est pas de vôtre fait, merci de m'y conduire

Léna la laissa à nouveau s'exprimer pour lui entendre dire qu'elle n'avait jamais rencontré la directrice ? Nadeen devait être sur le sol japonais et dans cette ville depuis au minimum un mois. Lui était-il arrivé quelque-chose pour qu'elle ne prenne pas en main son académie ? Bien qu'elle ne laissa rien paraître, elle se sentait littéralement sidérée.

-J'aimerais m'entretenir avec elle concernant les dortoirs que les élèves des deux académies partagent d'un commun accord, nous avons également quelques événements à mettre en place et puis...j'ai deux ou trois mots à lui dire la concernant !

Léna n'avait pas à s'épancher sur le sujet avec une personne qu'elle connaissait à peine. Lorsqu'elles arrivèrent devant le bureau dont la porte resta close et aucun bruit autre que les coups donnés à la porte ne retentirent. La russe avait comprit que l'objectif de sa venue était encore un échec. Il semblait vraiment que cette nageuse la craignait au point de l'éviter.

Il ne lui restait qu'une solution afin de s'assurer que Nadeen n'était pas portée disparue. Léna n'aimait pas employer cette méthode qui était un peu à la limite du harcèlement. Lui restait-il vraiment le choix ? Si elle voulait parler à Nadeen, elle devait directement aller là où elle ne la fuirait pas. Directement à son domicile.

- Merci de m'avoir accompagné ! Je n'ai pas le temps d'attendre qu'elle revienne, j'ai une académie à gérer également. J'espère que vous la croiserez avant moi.

Cette dernière phrase bien qu'elle fut dites de façon tout à fait courtoise et calme, laissait planer que si jamais c'était la danseuse qui rencontrait avant la professeure la directrice de l'ASI, elle aurait du soucis à se faire. Léna s'était attendu à ce que la russe lui parle dans sa langue natale, mais elle avait choisit de ne pas le faire. La danseuse lui adressa donc la parole en russe.

- C'est rare de rencontrer des héros ...

Comme prévu, personne ne vint leur ouvrir. A se demander si la directrice de l’Académie des sports avait déjà mis les pieds dans son bureau. Jenna savait bien que son ouverture était récente mais pas au point où elle ne put jamais rencontré sa dirigeante, ne serait-ce qu’un instant ! Cela dit, la jeune rosée put avoir des réponses à ses interrogations. Enfin, pas entièrement mais Jenna n’avait aucun droit de lui demander de s’expliquer davantage donc elle se contenta simplement de la réponse de la directrice. Elle eut une petite pensée pour l’absente qui allait certainement passer un sale quart d’heure lorsque Léna l’aura retrouvée…

« Je vois…Vous avez certainement beaucoup de choses à vous dire alors j’espère que vous trouverez un moment pour lui parler. En tout cas, soyez sûre que je lui ferais part de votre visite si il m’arrive de la rencontrer un jour. »

Même si pour cela, il fallait surtout que Jenna sache à quoi elle ressemblait déjà…Une petite recherche s’imposait mais elle était tout à fait disposée à aider la directrice à trouver cette Nadeen Hasakura. A vrai dire, Jenna ne s’attendait pas à cette entrevue improvisée mais elle était contente d’avoir pu rencontrer la directrice de l’académie des arts en dehors de leur premier entretien. Elle fut un peu prise de court en l’entendant basculer aussi subitement en russe sur un sujet dont la jeune rosée ne s’attendait pas trop. Puisqu’elle y avait été subtilement invitée, l’ancienne soldate poursuivit tout aussi naturellement en russe, bien qu’un peu désemparée puisque peu habituée aux compliments.

« Je ne me considère pas vraiment comme une héroïne à vrai dire. Je n’ai fait que servir notre pays vous savez… »

Jenna était modeste. Elle n’avait jamais abusé de sa « notoriété » pour faire valoir quoi que ce soit. Au contraire, c’était quelqu’un de plutôt discret dont le mérite et la satisfaction ne résidait que dans le fait d’avoir pu sauver ses camarades. Enfin, cela lui faisait toujours chaud au cœur d’être reconnue ainsi même si c’était parfois un peu gênant. Toutefois, cela lui rappelait surtout que tout ce qu’elle avait fait, n’avait pas été fait en vain.

« Au-delà de la reconnaissance, je remercie surtout notre pays de m’avoir libéré de mes fonctions. Enfin, je veux dire que j’aurais sans doute continuer à servir si cela avait été la décision de l’Etat-major mais cette vie me satisfait tout autant. En tout cas, je suis très heureuse de me voir offrir l’opportunité d’enseigner dans cet établissement. »

Jenna s’inclina légèrement devant la directrice. Son arrivée au Japon était encore récente et elle avait appris que ce genre de geste était un signe de respect. Était-il bien utilisé ? La jeune rosée l’ignorait mais c’était sa façon de remercier Léna de l’avoir accueillie dans l’Académie. Sa mission était donc terminée.

« Excusez-moi, je me suis un peu égarée du but de votre visite. Effectivement, vous devez être très occupée alors je ne vais pas abuser de votre temps. Vous voulez que je vous raccompagne à l’entrée ? »

Simple courtoisie de la part de la jeune rosée. Elle pourrait certes continuer à discuter mais ce n’était pas judicieux vis-à-vis de l’emploi du temps de la directrice que Jenna ne voulait surtout pas gêner plus que de raison.

@Léna Pétrova

Léna écouta les excuses de Jenna et ses explications. Elle n'en voulait pas à sa compatriote, mais de toute évidence la personne à la tête des lieux prenait son travail avec légèreté et se permettait de s'offrir des jours de congés.

- J'espère que vous finirez par la voir, c'est tout de même à elle de gérer les lieux ! Si elle prend son travail par-dessus la jambe, cet endroit va devenir un véritable lieu de chaos !

Léna était bien décidée à ce que cette prédiction du désordre n'ai pas lieu et si il fallait qu'elle gère les élèves de cette académie comme elle le faisait avec les siens, cette directrice allait en entendre parler.

Léna qui avait commencé à avancé de quelques pas supplémentaire se tourna avec élégance.

- vous n'avez fait que servir notre pays ? Et à part vous ? Quelles autres personnes ont foncés devant une mort certaine pour protéger leurs camarades ? Personne ! Alors ne ravalez pas votre bravoure sous-couvert d'être une personne humble ! Vous êtes une héroïne, ne minimisez pas votre acte ! Je vous souhaite de continuer à être heureuse.

La directrice s'éloigna à nouveau avant d'entendre la proposition de la professeure affectée ici, il était vrai qu'un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal et ça empêcherait les élèves de partir en criant en la voyant.

- Vous pouvez me raccompagner à l'entrée en effet.

Jenna était un peu surprise par la réaction de la directrice. Elle avait l’impression de se faire gronder par sa mère lorsqu’elle faisait une bêtise. Loin d’être décontenancée, il fallait dire que la situation l’amusait beaucoup mais sans qu’elle ne montrât d’expressions excessives sur son visage. Un simple sourire lui faisant admettre que Léna avait peut-être raison. En terme de reconnaissance, la jeune rosée avait bien compris que son acte le méritait mais elle avait parfois du mal à mesurer sa dimension ou sa bravoure.

« C’est très gentil de votre part de penser ainsi, cela me fait chaud au cœur de voir que mes actes soient parvenus jusqu’au grand public. Vous dites sans doute la vérité. Au fond, je suis vraiment fière d’avoir pu sauver mes camarades et je pense que ça fait du bien d’être reconnue en tant que héroïne nationale même si c’est parfois un peu gênant. »

De plus, ce n’était pas comme si elle pouvait se cacher dans la rue. Sa cérémonie avait été sans doute filmée et il lui était arrivé que des gens l’accostent dans son pays natal et on s’était bousculé parfois à l’entrée de sa chambre d’hôpital pour venir la voir si bien qu’il avait fallu segmenter le temps alloué aux personnes qui la visitaient. Alyssa lui disait parfois de ne pas penser au passé mais la jeune rosée savait que si elle devait recommencer, elle le ferait sans hésiter.

Le chemin du retour se fit relativement calmement. Sans doute que certains élèves se demandaient ce que Jenna faisait aux côtés de la directrice mais il n’y avait certainement pas lieu de s’inquiéter de quoi que ce soit. De son point de vue, Léna était moins froide que ce que les rumeurs racontaient. Le jugement de Jenna était peut-être influencé par leurs origines communes mais cette courte discussion avait eu au moins le mérite de donner l’opportunité à la professeure de rencontre Léna en dehors de leur premier entretien. Peut-être les deux femmes auraient-elles l’occasion de faire plus ample connaissance à l’avenir ? Ou peut-être pas vu l’emploi du temps chargé de la directrice…

« Je vous souhaite également beaucoup de courage dans l’exercice de vos fonctions. Je sais que ce n’est pas facile de gérer autant de personnes. Vous pouvez me croire, j’en sais quelque chose… »


@Léna Pétrova