En recherche d'emploi (PV Riley)

Riley ferma le capot de la voiture qu’elle venait de réparer et rendit les clefs au propriétaire avant de le faire venir au bureau d’accueil pour lui faire régler la facture. Elle s’essuya grossièrement les mains sur un chiffon avant de pianoter sur le clavier d’ordinateur pour imprimer les papiers. Il fallait vraiment qu’elle engage quelqu’un en plus. Keiko lui était d’une grande aide, mais ne pouvait travailler qu’à temps partiel. Riley se rendait compte que gérer deux boutiques seules en journée ce n’était pas de tout repos. Elle termina avec son client et lui ouvrit le garage en le saluant chaleureusement. Une fois qu’il fut parti, Riley s’autorisa une pause.

Elle enfila son manteau avant de passer dans la partie atelier où elle avait laissé son paquet de cigarettes. Depuis sa promesse d’arrêter, la rousse avait considérablement diminué sa consommation. Elle ne fumait plus du tout en présence de son employée et s’imposait de fumer dehors, ajoutant une contrainte pour ne pas succomber à l’appel de la nicotine. Elle glissa sa cigarette entre ses lèvres et se dit que ce serait bien que son paquet actuel soit le dernier qu’elle ait à acheter. Certes, la violoniste lui avait laissé l’année au complet, mais elle estimait que quitte à arrêter, il ne servait à rien d’attendre la dernière minute.

Elle ouvrit la porte de son atelier et frissonna en sentant le froid l’étreindre. Elle remonta la fermeture de son manteau pour se couvrir correctement le cou. Elle n’avait pas du tout envie de retomber malade. Allumant sa cigarette, son regard fut attiré par une forme au sol appuyée contre le mur de son bâtiment. Son cœur manqua un battement lorsqu’elle se rendit compte qu’il s’agissait d’une jeune femme qui semblait endormie. Elle écrasa sa cigarette qu’elle laissa tomber à terre, sa conscience écologique étant mise de côté par sa soudaine inquiétude. Elle secoua doucement l’inconnue, la peur au ventre. Heureusement, cette dernière réagit et le cœur de Riley se calma. Elle attrapa la demoiselle pour l’aider à se relever et à marcher jusqu’à l’intérieur de son atelier.

« Venez, je vais vous mettre au chaud. »

Une fois dans le bâtiment, Riley conduit la jeune femme jusqu’à la salle de pause où se trouvaient des canapés. Elle y installa l’inconnue aux cheveux auburn, avant de la couvrir d’un plaid. Elle s’affaira ensuite à faire bouillir de l’eau pour lui servir une tisane bien chaude. Posant son regard sur la jeune femme, elle lui fit un sourire rassurant quand elle la vit reprendre connaissance.

« Est-ce que tout va bien miss ? Ce n’est pas vraiment la saison pour faire des siestes au soleil. »

Riley observa les moindres faits et gestes de la jeune femme. Ce n’était pas qu’elle se méfiait, au contraire, elle s’inquiétait de l’état de la demoiselle. Elle avait l’air malade et était d’une certaine maigreur. Elle ne fit aucun commentaire, ne voulant pas la mettre mal à l’aise. Toutefois, son empressement à boire la tisane, y récupérer le sucre restant dans le fond de la tasse et surtout le gargouillement qu’elle entendit ôta le doute qu’avait la bricoleuse. Cette jeune femme mourrait de faim. Riley était sensible au bien être de ses compères. Elle avait été élevée dans une famille aidante et toujours prête à tendre la main à ceux dans le besoin. Elle avait croisé plusieurs personnes vivantes dans la rue, dont certaines qui avaient son âge, alors qu’elle n’était qu’adolescente. Ses parents en avaient logé certains le temps d’un hiver et avaient aidé à certaines réinsertions. C’était également le projet de sa jeune sœur, d’aider des personnes sans abri et sans emploi, en les accueillant à la ferme familiale et en leur offrant une opportunité de se relever.

Elle écouta la brune parler tout en ouvrant le frigo pour en sortir le bento que lui avait préparé Keiko pour son repas du midi. Elle le fit réchauffer tout en se disant qu’il fallait qu’elle trouve un nom pour son entreprise. Elle en avait mis un par défaut sur les papiers administratifs se contenant d’un garage inc. Il allait qu’elle trouve quelque chose de plus original si elle voulait se démarquer et attirer du monde.

« Tu es à la bonne adresse et c’est bien moi la propriétaire de ce lieu. »

Elle avait du mal à se considérer comme une patronne sachant qu’elle avait actuellement qu’une demi-employée. Qui était bien sûr bien plus que cela maintenant, ce qui ne faisait que la conforter dans l’idée qu’elle n’était patronne de personne. Elle s’approcha de la jeune femme et tandis sa main pour la saluer.

« Je m’appelle Riley et toi, comment t’appelles-tu ? »

Encore une fois elle n’avait pu résister à abandonner le vouvoiement. Elle n’aimait pas cela et s’en servait que lorsqu’elle en ressentait le besoin. Maintenant qu’elle savait que la brune venait pour poser sa candidature, elle considérait qu’elle devait la traiter comme n’importe quelle autre personne venant travailler ici. Une fois les présentations faites, elle récupéra le bento et le donna à la demoiselle.

« Tiens, mange. Ça finira de te réchauffer. »

Le plat avait été préparé avec amour par la violoniste et ça se voyait par sa présentation soignée et agrémentée de symbole d’amour. Riley se dit que sa petite-amie ne lui en voudrait certainement pas d’avoir donné son repas à une personne qui en avait plus besoin qu’elle. Pendant que Suzume mangeait, la rousse parcourra son CV des yeux. Elle remarqua qu’elle avait plusieurs expériences professionnelles sans lien apparent, ce qui lui semblait logique puisque la demoiselle semblait vouloir prendre n’importe quel travail pourvu qu’elle puisse se nourrir. Riley posa le CV et s’appuya contre le comptoir de la mini cuisine, avant de croiser les bras et de porter son regard rougeoyant sur la candidate aux cheveux auburn.

« Parle-moi de toi. Qu’est-ce que tu aimerais faire dans la vie ? »

Elle ne l’interrogeait pas sur son passé, jugeant que ça ne la regardait pas. Elle voulait juste savoir si la jeune femme avait encore des projets en tête et voir si elle était capable de l’aider à les réaliser.

La rousse eut un sourire en voyant Suzume dévorer son plat. Bien sûr que c’était délicieux, le bento avait été fait par sa cuisinière préférée. Elle eut toutefois un pincement au cœur en voyant la jeune femme ainsi. Elle ne comprenait pas comment il était encore possible d’avoir des jeunes en détresse dans une société qui se disait évoluée. Elle allait faire de son mieux pour aider cette demoiselle, ne supportant pas l’idée de l’abandonner à son sort.

« Est-ce que tu as des rêves dans la vie ? Des objectifs que tu aimerais accomplir ? »

Sa question pouvait paraitre étrange, mais la rousse voulait simplement s’assurer que sa future employée avait une raison de se lever le matin autre que pour remplir son estomac. Elle-même s’était toujours fixé des objectifs à atteindre et elle savait que cela aidait la motivation de continuer à se relever malgré les épreuves plus difficiles que l’on pouvait traverser. En d’autres mots, si Suzume avait un objectif, cela rassurait Riley. Elle l’aiderait à l’atteindre.

« Est-ce que tu serais prête à commencer aujourd’hui ? Je pourrais te faire visiter les lieux et te présenter les différentes taches que tu aurais à faire. Bien sûr, même si ce n’est qu’une journée pour te familiariser avec l’endroit, je te payerais. »

En faite elle lui donnerait surement son salaire même si la jeune femme refusait de commencer à l’instant. Elle voulait s’assurer qu’elle aurait de quoi s’acheter de la nourriture pour les prochains jours. Il était hors de question qu’elle la laisse partir sans savoir si elle passerait la nuit.

« Est-ce que tu as un endroit où vivre ? »

Elle espérait sincèrement que la jeune fille ne restait pas dans un squat quelconque à mourir de froid chaque nuit et à craindre pour sa sécurité.

Riley se sentait triste en entendant les paroles de la jeune fille. Elle avait encore toute la vie devant elle et déjà, elle semblait découragée. Elle comprenait que c’était un luxe de se laisser aller à des rêveries, Suzume avait des préoccupations bien plus importantes en tête. La rousse comptait néanmoins aider sa nouvelle employée à retrouver l’envie de réaliser ses rêves.

« Il n’est pas trop tard pour les accomplir. Je suis sûr que tu peux être capable de les atteindre. Mais je comprends que ce ne soit pas ta priorité pour le moment. »

La Canadienne fut rassurée de savoir que la demoiselle ne dormait pas dehors. Elle ne lui demanda pas cependant dans quel type de logement elle vivait. Elle se doutait que ce ne devait pas être le grand luxe. Elle avait entendu parler d’un bloc d’appartement plutôt délabré où la ville offrait des logements à très faible revenu. Pour sa part elle trouvait cela dégueulasse qu’ils prennent de l’argent aux gens vivant dedans alors qu’ils étaient à peine rénovés.

« Si jamais tu as besoin de quoique ce soit, n’hésite pas à me le dire. »

Elle fit un sourire à Suzume avant de l’inviter à la suivre dans le garage. Il était beaucoup plus accueillant que des mois auparavant maintenant que Keiko et elle l’avait entièrement aménagé. C’était assez lumineux malgré les couleurs sombres du sol et d’une partie des murs. Une voiture était entreposée le capot ouvert. Elle était en train de réparer une pièce du moteur. Elle présenta rapidement les différents équipements, le bureau avec la paperasse administrative. Elle la conduit ensuite à son atelier de lutherie où l’ambiance était beaucoup plus cozy. Les murs peints en blanc, les meubles en bois brut et les plantes vertes en faisaient une pièce agréable. Contre un des murs était accroché des cadres avec des photos du concours auquel la violoniste et elle-même avaient participé. Sur une étagère au-dessus des cadres se tenaient l’énorme trophée de Keiko et les deux prix de Riley. Il y avait un établit, plein de rangement et d’immenses comptoirs dont un central.

« Et voici ma pièce favorite. C’est ici que je fabrique mes instruments et bichonne ceux de mes clients. Avec l’académie d’art pas loin, je compte me rendre utile pour les élèves. Je vais d’ailleurs bientôt donner un atelier là-bas pour me faire connaitre. Si ça t’intéresse, tu pourras m’y accompagner. »

La rousse s’appuya contre l’ilot central et croisa les bras en souriant à la jeune femme. Son cerveau fonctionnait à toute allure. Elle réfléchissait aux taches qu’elle pouvait faire faire à la demoiselle. Elle avait plein d’idée en tête, mais devait s’assurer que son employée serait apte à les réaliser.

« Au niveau des tâches que tu auras besoin d’accomplir, ça va être assez varié. Je vais surement te faire faire un peu d’administratif, gérer l’agenda des rendez-vous dans la journée. J’ai une autre employée qui vient à mi-temps le soir, c’est elle qui gère cela pour l’instant. Je vais aussi certainement t’apprendre des trucs de bases en mécaniques, comme changer des roues, l’huile, ce genre de chose. Sinon tu pourras m’assister dans mes réparations et faire en sorte que le garage ne soit pas trop en bordel. Tu pourras également accueillir les clients et les faire payer à la fin si jamais je suis occupée sur autre chose. Je fais aussi occasionnellement de la réparation d’appareil ménager. Je pourrais te former dessus pour que tu ne finisses pas les gérer seule, c’est moins complexe que la mécanique. Enfin bref, si tu es motivée il y a plein de choses à faire, tu pourras même choisir ce que tu préfères quand tu seras plus à l’aise. Est-ce que tu veux toujours travailler ici ? »

« Pas de problème pour les palettes j’en ai quelques-unes qui trainent. J’ai une petite voiture, mais je peux y atteler une remorque pour t’apporter les palettes jusque chez toi. Il va bientôt y avoir le ramassage des encombrants. On pourra aller faire un tour dans les rues voir si on trouve des choses intéressantes pour t’aider à t’installer. Tu pourras m’emprunter mes outils sans problèmes et si jamais tu as besoin, je peux te bricoler des meubles si tu le souhaites. »

Elle s’emballait peut-être un peu, mais la rousse voulait vraiment aider. Elle était capable de se débrouiller et de fabriquer ou réparer presque n’importe quoi. Cela lui ferait plaisir de pouvoir apporter plus de confort à sa nouvelle employée en l’aidant à aménager son logement.

« Dans ce cas, tu es engagée ! Tu peux commencer quand tu le souhaites. Il va juste falloir que je gère de la paperasse pour pouvoir te déclarer comme employée. »

Elle ne savait pas trop si la jeune femme avait de quelconques ennuis avec les autorités. Elle ne souhaitait pas la mettre dans l’embarras, mais elle ne tenait pas non plus spécialement à se mettre dans le trouble en l’engageant de manière illégale.

« Est-ce que ça peut te causer des ennuis si je te déclare ? »

Elle ne savait pas trop pourquoi la jeune femme était à la rue et elle ne voulait pas non plus faire en sorte qu’elle se retrouve avec des problèmes.

Riley eut un grand sourire fier, satisfait de la réponse de la jeune femme. Elle aimait son intérêt pour fabriquer elle-même ses meubles. Elle était plus que ravie de lui offrir son aide.

« Avec plaisir ! Je te montrerais tout ce que tu veux savoir ! »

La grande rousse fit une moue en entendant la réponse de Suzume. Il allait falloir plus d’étapes et de temps finalement avant de pouvoir en faire son employée officielle.

« Oui, c’est assez important, pour que tu sois reconnue. On va essayer de faire des démarches ensemble pour que tu puisses en avoir de nouveaux. On pourra certainement suivre la procédure pour remplacer des papiers perdus. Est-ce que tu as un compte en banque ? Pour que tu puisses recevoir tes payes. »

Elle était rassurée de savoir que la jeune femme ne semblait pas avoir de problèmes avec la justice ou autre. Elle allait certainement déjà avoir bien assez avoir à gérer avec le fait qu’elle allait devoir refaire ses papiers.

« On va y aller une étape à la fois. Je pourrais t’engager officiellement qu’une fois que tu auras de nouveau des papiers. En attendant, je vais te payer en liquide pour que tu puisses te payer à manger. Je ne pourrais toutefois pas faire cela pendant longtemps donc commence tes démarches le plus tôt possible s’il te plaît. Si ça traine trop, je ne pourrais peut-être plus te payer, je ne veux pas m’attirer d’ennui. »

Elle préférait être honnête. Elle voulait bien aider Suzume, mais il ne fallait pas qu’elle se mette dans une position délicate. On ne sait jamais à qui on a affaire, alors autant être prudente.

« Parfait, si jamais tu as besoin d’aide pour tes papiers n’hésite pas. Je suis rendue pas mal bonne avec la bureaucratie japonaise. »

Elle fit un grand sourire à la jeune femme. Elle se déplaça ensuite pour fouiller dans ses combinaisons de travail. Avec l’Arrivée de Keiko elle avait fait le plein, Suzume semblait être de la même taille, même si elle était plus mince que la blonde en raison de sa sous-alimentation.

« Ça va faire un an cet été que je suis ici. Je n’ai pas vraiment réussi à finir de m’installer parce que j’ai eu plein d’imprévu avec le bâtiment. Grâce à Keiko, mon autre employée, j’ai toutefois réussi à lui donner une allure moins glauque ! »

Une chance qu’elle eût la blonde pour l’aider, sinon elle en aurait encore beaucoup plus à faire. En soit, il ne restait pas grand-chose pour terminer, elle devait agencer un coin d’attente, séparer le garage de l’atelier de réparation et trouver un nouveau d’entreprise. Elle devrait pouvoir rentrer dans la tenue que la rousse venait de trouver. Elle en recommanderait de nouvelles si jamais ça ne le faisait pas. Elle jeta la combinaison dans les bras de la jeune femme.

« Tiens, essaye ça. J’irais t’acheter des chaussures de sécurité aussi, il va me falloir ta pointure. »